Avec la tombée des premières gouttes de pluies au Niger, une mobilisation générale est déclenchée par les autorités et les techniciens pour lutter contre le paludisme. La période d’hivernage étant la saison la plus propice à la prolifération de l’anophèle femelle, vecteur de cette maladie qui a touché l’année dernière 4.818.559 personnes dont 5.623 décès confirmés, selon les statistiques officielles. Tout comme les autres pays d’Afrique, ici au Niger aussi on fonde beaucoup d’espoir sur le vaccin contre le paludisme tout en renforçant la lutte anti-vectorielle et la distribution des moustiquaires imprégnées à longue durée d’action (MILDA), moyens traditionnels efficaces de lutte contre ce fléau.
Les chiffres sur le paludisme sont inquiétants. En seulement trois ans, entre 2020 et 2022, les Annuaires des statistiques et les Données de surveillance épidémiologique font état de 14.896.452 cas, dont 15.650 personnes décédées sur la même période. Le Coordonnateur national du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), Dr Abdou Yahaya, rappelle que le paludisme a, au-delà des décès qu’il occasionne, de lourdes conséquences sanitaires, sociales et économiques. Cette maladie constitue une cause de retard scolaire, de diminution du rendement des travailleurs et constitue une charge financière énorme pour les ménages et les entreprises.
L’Etat du Niger investit chaque année d’importantes sommes d’argent pour maintenir la gratuité de la prise en charge des soins du paludisme pour l’ensemble de la population et s’est engagé à atteindre l’objectif d’élimination de cette maladie à l’horizon 2030. Le pays s’appuie, en plus de cet accès universel au traitement de la maladie, sur plusieurs actions combinées. Pour le Coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme, c’est notamment grâce à l’engagement politique continu jusqu’au sommet de l’Etat que le Niger est cité en référence.
Le Gouvernement cible les femmes et les enfants, qui sont les groupes les plus vulnérables, depuis plusieurs années, avec le traitement du paludisme par intermittent (TPI) et les campagnes de chimio-prévention du paludisme saisonnier (CPS). Ce dernier a pour cible les enfants de 3 à 59 mois et permet de renforcer leur protection en période de haute transmission. Le TPI, également fortement ancré dans les pratiques de riposte contre le paludisme consiste à fournir de la sulfadoxine pyriméthamine à chaque femme enceinte vue en consultation prénatale recentrée.
Ce paquet d’interventions, a souligné le ministre de la Santé publique Dr Illiassou Idi Maïnassara, est soutenu par des actions de communication pour le changement social et comportemental en vue d’obtenir l’adhésion des communautés locales à ces mesures. Le Niger poursuit ainsi, en lien avec son engagement de réduire au plutôt la mortalité et la morbidité dues au paludisme, la réalisation d’activités ciblées prises en compte dans le plan Stratégique National 2023-2026 du Programme national de lutte contre le paludisme au Niger (PNLP). Cette stratégie a retenu comme axes prioritaires la prise en charge correcte de tous les cas, sans aucune discrimination et la lutte anti-vectorielle, particulièrement l’utilisation des MILDA, la lutte anti-larvaire et la pulvérisation extra domiciliaire.
La Stratégie nationale 2023-2026 répond largement à l’appel lancé à l’occasion de la journée de lutte contre le paludisme par la Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, Dr Matshidiso Moeti, en faveur «de nouveaux outils et de nouvelles stratégies pour s’attaquer aux menaces que représentent la pharmaco-résistance, la résistance aux insecticides et les nouveaux vecteurs invasifs qui compromettent les progrès réalisés dans la lutte anti-vectorielle». A l’échelle mondiale, d’après les estimations de l’OMS, le paludisme a tué 619.000 personnes en 2021, 625.000 en 2020. Près de 80% des décès imputables au paludisme dans la région africaine concernaient des enfants de moins de 5 ans.
Réduire la densité du moustique en s’attaquant aux gites larvaires
Le paludisme continue, selon les statistiques officielles, de faire des morts alors même qu’il existe des moyens de prévention et des traitements curatifs efficaces pour lutter contre la maladie. Plusieurs pays africains dont le Niger déplorent le manque de moyens pour mener des campagnes satisfaisantes de prévention, notamment pour lutter contre les gites larvaires. Les partenaires techniques et financiers traditionnels s’étant, pour la plupart, massivement détournés du financement des luttes anti-larvaires au profit des MILDA et de la Chimio-prévention du paludisme saisonnier (CPS).
A la veille de la célébration de la journée mondiale de lutte contre le paludisme le 25 mai dernier, la Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique a annoncé le lancement de deux stratégies par son organisation pour aider les pays du continent africain à travailler à une riposte plus résiliente au paludisme. Il s’agit, précise Dr Matshidiso Moeti, de la stratégie visant à réduire la résistance aux médicaments antipaludiques et l’initiative qui a pour objectif «d’arrêter la propagation du nouveau vecteur invasif du paludisme à Anopheles stephensi, un vecteur dangereux qui se reproduit dans les zones urbaines et a le potentiel d’accroître la transmission».
Les autorités nigériennes travaillent, aux côtés des collectivités territoriales, à explorer de nouvelles sources pérennes de financements pour renforcer les mesures de prévention et réduire l’incidence du paludisme dans les villes du pays au cours de cette année 2023. «L’objectif principal est de réduire la densité du moustique vecteur du paludisme avant la période de haute transmission en impliquant les communautés locales», a déclaré le Coordonnateur du Programme National de Lutte contre le Paludisme lors d’un point de presse qu’il a animé le 19 mai dernier sur la situation du paludisme au Niger, avec un focus soutenu sur la lutte anti-vectorielle.
La recherche de partenaires en faveur de cette lutte a conduit à un partenariat stratégique avec la Mission italienne de soutien au Niger (MISIN) qui soutient les secteurs sociaux en manque de financement afin de soutenir les populations locales dans les zones où elle intervient. Lors de la célébration de la journée mondiale de lutte contre le paludisme, le ministre de la Santé Publique, de la Population et des Affaires Sociales, M. Illiassou Idi Maïnassara a salué cette coopération civilo-militaire qui permet au Niger de disposer d’un stock important en larvicides et «de jeter les jalons de la lutte anti larvaire et la pulvérisation extra domiciliaire d’insecticides à effet rémanent». La MISIN a mis à la disposition des autoritees 670 kg de SUMILARV et 500 litre de CIPERTIN.
Cependant, relève Dr Matshidiso Moeti, la lutte contre les vecteurs du paludisme doit nécessairement passer par des interventions multisectorielles et par la participation d’unités administratives et de communautés décentralisées pour soutenir le changement de comportement et l’adoption des outils innovants mis en avant. Les gouvernements doivent à cet effet mobiliser plus de ressources et de capacités techniques aux niveaux national et international. Les gouvernements doivent également établir des partenariats efficaces et des mécanismes multisectoriels qui contribuent à renforcer les mesures de prévention et à améliorer la couverture des services de prise en charge des cas de paludisme. Les gouvernements, dit-elle, en plus de mobiliser plus de ressources et de capacités techniques aux niveaux national et international, doivent également «établir des partenariats efficaces et des mécanismes multisectoriels qui contribuent à renforcer les mesures de prévention et à améliorer la couverture des services de prise en charge des cas de paludisme».
La vaccination contre le paludisme, le nouvel espoir ?
Le monde fonde désormais l’espoir sur les progrès scientifiques enregistrés ces dernières années. La découverte d’un vaccin antipaludique actuellement administré dans des pays africains sélectionnés pour prévenir le paludisme chez les enfants a permis de diminuer nettement le nombre d’hospitalisations pour cause de paludisme grave chez cette couche vulnérable, tout comme le nombre de décès causé par ce fléau. Les nouveaux progrès accomplis ravivent également l’optimisme des pays comme le Niger, de tendre vers l’élimination de la maladie à l’horizon 2030. Les partenaires se mobilisent à accroitre l’approvisionnement en vaccin le plus rapidement possible dans le but de protéger les enfants et sauver davantage de vies.
Pour Dr Boubacar Thiombiano, la découverte de ce vaccin «va révolutionner la santé publique à travers les systèmes de santé encore fragilisés par l’achat et la consommation des médicaments antipaludiques et la mise en application des mesures préventives moins efficientes pour les pays en voie de développement». L’existence d’un tel vaccin, poursuit-il, portera surtout sur la qualité des soins et le développement scientifique, socioéconomique, démographique et culturel. Mais, souligne-t-il, il faut que ce vaccin soit «testé avec efficacité, toléré, d’usage simplifié, accessible, efficient» et homologué par l’Organisation mondiale de la santé.
La demande sans précédent pour le premier vaccin antipaludique, affirme la Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, est perçue comme «une occasion de ramener les enfants dans les dispensaires afin de rattraper les vaccins et les interventions de santé ciblant les enfants qui n’ont pas été touchés par la vaccination». Selon Dr Boubacar Thiombiano, cela confirme d’abord que l’avantage de tout vaccin réside d’abord dans son efficacité scientifique et dans son acceptation. «Faudrait-il, avoir déterminé le groupe cible, déterminé aussi son innocuité dans l’organisme, sa voie et sa fréquence d’administration, ainsi que son taux de couverture possible, son coût et son mode de conservation». Car, l’objectif visé est l’éradication totale du paludisme dans le monde.
Ce pédagogue des sciences de la santé voit également dans l’avènement du vaccin antipaludique, moins de pression sur les centres de santé et les institutions pharmaceutiques qui seront moins sollicités et pourront dédier plus de temps à d’autres tâches urgentes. «Cela renforcera l’observance et le respect strict des règles d’éthique et de déontologie et conduira à une véritable visibilité des professions de santé avec moins de conflits, plus de recherches et l’amélioration continue de la qualité des soins …. Contrairement à la Chimio Prophylaxie Saisonnière, la campagne de vaccination touchera une cible plus importante ou réduira le risque d’oubli dans la fréquence de prise de comprimés», souligne Dr Boubacar Thiombiano.
L’espoir que soulève la découverte d’un vaccin ne doit, pour autant, pas reléguer au second plan les mesures préventives d’hygiène de l’environnement et la chimio prophylaxie qui doivent accompagner toute révolution scientifique dans le cadre de la lutte contre le paludisme. Le Niger, qui espère disposer du vaccin dans un avenir proche, a annoncé plus de moyens et d’efforts en faveur de la lutte anti-vectorielle. Cette volonté se manifeste à travers l’organisation de campagnes de distribution de masse des MILDA pour couvrir l’ensemble des ménages en plus de la distribution de routine ciblant des groupes vulnérables, la pulvérisation intra habitations (PIH), la Lutte anti-larvaire (LAL) et la pulvérisation extra habitations (PEH).
Par Souleymane Yahaya (ONEP)