Monsieur le maire, la commune urbaine de Téra fait face, depuis quelques années, à une insécurité liée aux activités de groupes armés non-étatiques. Comment s’adapte la population pour faire face à cette situation ?
Comme vous l’avez souligné, la commune urbaine de Téra est justement confrontée au phénomène de l’insécurité depuis 2019. Depuis cette date, l’insécurité a créé plusieurs situations dont, premièrement le déplacement des populations locales de leurs villages vers la ville de Téra. Ça a aussi impacté négativement la mobilité de ces populations dans toute la zone à cause de la crainte d’attaques contre elles et leurs biens. Et enfin, à cause de l’insécurité, l’affluence dans nos marchés, sources de devises pour la commune, a fortement chuté.
Malgré cette donne, la population de la ville de Téra est arrivée à s’adapter et à intégrer la situation d’insécurité dans ses habitudes quotidiennes. Dès le début de la crise, la solidarité familiale s’est rapidement mise en marche pour venir au secours de membres de la famille impactés. Plusieurs personnes ont rapidement trouvé refuge en ville auprès de membres de leurs familles et ont pu bénéficier d’une prise en charge par ces derniers. Par contre, certains déplacés internes ont été soutenus par les organisations humanitaires qui prennent les choses en main et qui les installent sur des sites. Petit à petit la commune a pu faire face à beaucoup de situations pour pouvoir au moins loger ces déplacés et leur apporter quelques appuis alimentaires et non alimentaires.
En somme, la vie n’était pas du tout facile car, toutes les activités socio-économiques étaient au ralenti depuis 2019 à cause de la pression exercée par les groupes armés non-étatiques. Ces derniers s’attaquent surtout aux propriétaires d’animaux auxquels ils enlèvent le bétail pour financer leurs actions.
Cette situation d’urgence permet-elle d’optimiser la collecte des recettes internes ?
Il est très difficile dans ce contexte sécuritaire précis de collecter des recettes. Actuellement, tous nos marchés fonctionnent, malgré l’impossibilité pour nous de collecter la taxe sur nos marchés ruraux. Les groupes armés non-étatiques menacent beaucoup les collecteurs. Ce qui fait qu’à notre niveau, nous avons préféré retirer les carnets de taxes de marchés pour protéger nos percepteurs. Ils étaient beaucoup menacés par le passé. Il y’a donc une diminution assez importante des recettes au niveau de notre commune.
Monsieur le maire, la cohésion sociale entre les différentes communautés qui peuplent la ville de Téra est-elle remise en cause par la situation sécuritaire de ces dernières années ? Qu’est qui est fait pour sauvegarder les acquis sociaux et ancestraux à Téra ?
La cohésion sociale n’est pas remise en cause dans notre ville. Elle n’est pas remise en cause tout simplement car, il y’a la solidité des liens familiaux qui existent entre les différentes couches sociales de la ville. Cela facilite la prise en charge des déplacés par les services compétents que sont la commune et les services de l’Etat comme l’état civil départemental, la protection civile et l’action humanitaire et ses partenaires qui arrivent à les accueillir, les enregistrer et les installer afin de leur apporter des appuis.
Au niveau de la population, il n’y a pas eu de problèmes. Il y’a eu par contre beaucoup de rencontres dans le cadre de cette cohésion sociale qui ont permis de minimiser, d’aplanir certaines difficultés. La bonne cohésion sociale a été très bénéfique pour préserver la quiétude dans la ville. Elle marche jusqu’à présent et n’a jamais été remise en cause. Cela nous donne de l’espoir.
Quelques jours après avoir convoyé plus de 300 camions de marchandises, les FDS ont intercepté et ramené plus d’un millier de têtes de bétail, petits et gros ruminants. Ces animaux ont-ils été restitués à leurs propriétaires ?
Nous apprécions fortement les convois de camions de marchandises. Cela faisait déjà un bon moment que cette route n’était pas empruntée à cause de la dégradation de la situation sécuritaire sur le tronçon, surtout pour les camionneurs qui ont obligatoirement besoin d’être convoyés de Kaya à Dori, à l’intérieur du Burkina Faso, et de Dori à Téra, entre ce pays frère et le Niger.
L’arrivée de ces convois de camions de marchandises a beaucoup soulagé la population parce qu’elle permet de pallier la rareté de certains produits sur le marché local. Ce qui a un impact significatif sur les prix de ces produits. En tout cas, cela a permis à la population de pouvoir retrouver la quiétude au plan commercial car, nos commerçants et ceux du Burkina se fréquentent beaucoup. Ces derniers viennent au Niger pour commercer dans le marché de Téra, et ceux de Téra vont dans le marché de Dori pour écouler leurs marchandises. La sécurisation de ce tronçon permet de raviver le commerce local et transfrontalier, de même qu’elle permet aux populations de se fréquenter.
Pour ce qui est des animaux qui sont ramenés, c’est au cours d’une patrouille que dans un marché rural de bétails qu’ils appellent Doungouro, dans la Commune Rurale de Kokorou, que les FDS ont pu récupérer un premier lot de 115 têtes d’animaux que les groupes armés non-étatiques tentaient de vendre et ces animaux ont pu être restitués à leurs légitimes propriétaires grâce à la collaboration avec la Police, la Gendarmerie, la chefferie traditionnelle et les leaders des éleveurs qu’on appelle les rouggas. La restitution des animaux s’est faite sur présentation de preuves directes et ou bien de témoignages. On a pu restituer tous ces animaux, sauf 8 têtes qui restent.
Juste après ce premier cas, les FDS sont venues en aide à des éleveurs victimes des groupes armés terroristes. Elles ont aidé les survivants et ont récupéré et ramené plus de 1000 têtes de bovins à Téra. Là aussi, c’est une prouesse qui permet de nous assurer que les FDS peuvent toujours nous protéger, nous et nos biens. Ils ont fait beaucoup de choses depuis l’avènement des nouvelles autorités. Nous les remercions beaucoup pour ces actes posés.
Des villageois qui ont été forcés de quitter leurs lieux de résidence vivent désormais dans la ville de Téra et ses environs. Quel rôle joue la commune urbaine dans leur accueil et dans la mobilisation des partenaires en leur faveur ?
A leur arrivée dans la ville de Téra, les déplacés internes sont pris en charge par une commission qui les enregistre. La commission est composée de l’état civil communal de Téra, l’état civil de la commune de provenance de chaque déplacés, l’état civil départemental, la protection civile et le point focal de l’action humanitaire. Une fois que les listes sont établies, elles sont alors transmises aux partenaires sur le terrain afin qu’ils apportent des appuis. C’est comme ça que ça se passe. Et, quand ils viennent, chaque partenaire, selon son domaine d’intervention (santé, produits non alimentaires, produits alimentaires), met en œuvre son programme d’appuis. Ce sont des choses qui se passent très bien et ils ont quand même une base de données par rapport à tout cela.
Quelle relation entretient la mairie avec les FDS qui sont basées dans la ville ?
Les relations entre les Forces de Défense et de Sécurité et la Commune Urbaine se passent bien, de manière cordiale. Nos communautés arrivent à toujours collaborer avec les FDS dans le cadre de leur travail. Nous avons eu de nombreuses rencontres avec les FDS et la population. Ce qui fait qu’aujourd’hui, cette collaboration marche très bien.
La saison pluvieuse 2023 tire vers sa fin. Quels constats faites-vous de son déroulement ?
La saison pluvieuse est très prometteuse. Elle se déroule bien. Nous avons bon espoir que les populations vont avoir de bonnes récoltes, malgré le fait qu’on nous signale par endroits la présence des chenilles. En tout cas pour le moment, nous avons bon espoir que cette saison va bien donner et nous le souhaitons de tout cœur.
Souleymane Yahaya (ONEP)