Monsieur Soumaila Tiémogo, pouvez-vous nous parler de votre parcours dans le domaine du football ?
Je suis un ancien footballeur international. Très jeune, à force d’aller regarder les matchs pour soutenir mon club de cœur le ‘’Zumunta AC’’ je n’avais qu’un rêve. C’était d’être de la prochaine génération sur le terrain. Ceci m’a donné envie et je me suis intégré. J’ai signé ma première licence en 1976. Après, j’ai commencé ma carrière au ‘’Zumunta AC’’ où j’ai passé 16 ans de 1976 à 1992. Je fus appelé à l’équipe nationale du Niger ‘’MENA’’ pour occuper le poste de défenseur central de 1982 à 1992, soit 10 ans et j’étais le capitaine de l’équipe. J’ai pratiquement touché à tous les postes. J’ai d’abord débuté en tant que gardien de but, ensuite je fus attaquant mais, mon poste de prédilection en tant qu’international est l’arrière-centre, communément appelé défenseur central, avec le numéro 5. Durant cette période, j’ai fait deux essais : d’abord un à Auxerre, en France, puis un autre essai en Allemagne qui furent très concluants. Mais, l’appel de la patrie était tellement fort que j’ai préféré rester au pays. Je fus directeur technique national et aujourd’hui je suis membre du bureau exécutif de la fédération nigérienne de football (FENIFOOT).
Quelle comparaison faites-vous entre le football d’avant et celui d’aujourd’hui ?
Il y a une grande différence entre le football d’avant et le Football qui se pratique maintenant. Le foot d’avant était amateur et c’était le sport le plus facile à faire. Les joueurs, à l’époque, jouaient pour leur honneur, pour l’amour du quartier et pour l’honneur de la patrie. Ce n’était pas une profession mais une passion. Le foot était très convoité et il y avait suffisamment d’engouement autour. Le foot, c’était la compagnie, les fréquentations, les connaissances. À notre temps, le foot n’était pas trop vulgarisé. Notre souci, c’était avec les parents qui préféraient qu’on se concentre plus sur les études que sur le sport. Il fallait combiner les études et le sport. Mais le foot aujourd’hui est modernisé et professionnalisé. Le transfert d’un club à un autre est très facile de nos jours, alors qu’il était très compliqué dans le temps. Le foot d’aujourd’hui, c’est un business. Les jeunes veulent aller en Europe pour gagner de l’argent au lieu de bien travailler leur talent afin de s’attendre à un lendemain meilleur.
Après ce que vous venez de dire, qu’est-ce que le football vous a rapporté ?
J’ai beaucoup gagné. Le foot, c’est d’abord un sport collectif. Tu apprends à connaître des gens et j’en ai connus. Tu apprends aussi à te faire aimer par les autres. Je suis arrivé à me faire aimer et à me faire accepter par mes coéquipiers et à les aimer en retour. Si je n’étais pas devenu footballeur, je n’allais pas connaître tout ce beau monde. C’est inestimable et c’est plus que le matériel. On m’a surnommé « l’Empereur » grâce à ce sport. Il y a plusieurs années de cela, dans un championnat national cadet, nous avons parié avec notre entraîneur qui était Santos. Il a déclaré lors ce championnat que celui qui sortira meilleur joueur du tournoi recevra un grand cadeau. Je fus meilleur joueur et mes camarades m’ont pris jusqu’à devant l’entraîneur qui aussitôt déclara à partir d’aujourd’hui tout le monde doit m’appeler ‘’l’Empereur’’. Nous avions pensé à l’époque que c’était de l’argent, mais après on a compris que c’est plus que ça car, ce nom m’a suivi et si c’était du matériel je l’aurais oublié.
J’ai gardé de très bons souvenirs du foot. Les joueurs de mon temps étaient vraiment très soudés, très solidaires et on se soutenait mutuellement. Après les rencontres, nous nous retrouvions chez un camarade pour être en symbiose, dans une harmonie parfaite. Le foot m’a permis aussi de découvrir beaucoup de pays car, si je dois les citer, il sera difficile pour moi de me rappeler tous les pays que j’ai visités. J’ai été dans presque tous les pays africains. J’ai fait la France, la Belgique, l’Allemagne, le Brésil, les États-Unis, l’Inde et beaucoup d’autres.
Comment êtes-vous devenu entraineur ?
Étant joueur, je préparais au même moment ma carrière d’entraîneur. J’étudiai pour avoir des diplômes d’entraineur et fis des stages dans ce sens. Pendant un moment, j’avais le diplôme d’entraîneur le plus élevé. Deux mois après avoir arrêté ma carrière de joueur, j’ai été nommé entraîneur par mon entraîneur qui m’entraînait il y a deux mois. Après, j’ai été entraîneur titulaire cadet, puis junior et senior de l’équipe A. Par la suite, j’ai même amené l’équipe nationale des cadets en coupe du monde, en 2017. J’ai aussi remporté la coupe Airtel avec 16 équipes, au Kenya, avec 16 équipes aussi à Lagos, au Nigeria. C’est comme ça que je suis devenu entraîneur.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans ce sport ?
La gestion des hommes a toujours été mon quotidien. Les erreurs, ça arrive par-ci par-là. Mais il faut savoir gérer. C’est la vie courante. Je n’ai jamais rencontré des difficultés à m’adapter au football d’aujourd’hui car, je n’ai jamais quitté le football. J’ai suivi vraiment toutes les étapes en tant que joueur et en tant qu’entraîneur. Je comprends bien que le football soit aujourd’hui un métier et que les joueurs soient rémunérés par rapport à leurs efforts.
Quel appel aimerez-vous lancer à l’Etat et à la jeunesse nigérienne ?
Je tiens à encourager la création des infrastructures. Le football nigérien doit être au top, à commencer par la construction de nouvelles infrastructures. Le centre technique de la fédération nigérienne est une référence, c’est un joyau. Dans la sous-région, il n’y a pas un centre du genre. Les joueurs d’ailleurs qui n’ont pas assez d’infrastructures se sentiront déjà battus une fois devant ce centre. Il faudrait qu’il y ait beaucoup plus de centres de ce genre. Au Niger beaucoup de jeunes ne découvrent le gazon que dans certaines compétitions en équipe senior. Il faut être en équipe A, dans des grands clubs ou en équipe nationale pour avoir l’occasion de jouer sur le gazon alors que dans certains pays, l’initiation et l’adaptation au terrain commencent dès le bas âge. Nous devrons dépasser ce stade. Et pour cela, il faudrait vraiment que les autorités multiplient les infrastructures pour permettre à nos jeunes de s’épanouir et développer leur talent. Quand on voit 10 stades dans une ville dans certains pays alors que chez nous, notre seul stade est suspendu par l’instance suprême du football mondial, même les matchs officiels nous ne pouvons pas les jouer chez nous. Ça donne des larmes aux yeux. Aujourd’hui pour qu’un enfant puisse jouer, il faudrait qu’il aille au terrain musulman, au terrain municipal ou dans une école de football et c’est déplorable. Si le Sénégal domine le football africain, si le Maroc est appelé la capitale du football africain, c’est parce qu’ils ont des infrastructures et les jeunes n’ont pas du mal à jouer au foot. Nous avons des jeunes très disciplinés à l’équipe nationale. L’équipe est pratiquement rajeunie et je ne peux que les encourager. Ils doivent travailler beaucoup et ne jamais penser qu’ils ne sont pas incontournables en équipe nationale. Je leur demande de mettre du sérieux et de multiplier les efforts en travaillant dur pour réussir leurs essais.
Réalisé par Assad Hamadou (ONEP)