Monsieur le ministre, quelle appréciation portez-vous sur l’activité minière après les déplacements que vous avez effectués à l’intérieur du pays notamment sur des sites d’exploitation d’or, d’uranium et de charbon ?
Je vous remercie de l’opportunité que vous nous offrez de nous exprimer pour la première fois à travers la presse écrite. C’est un honneur et une grande fierté de le faire dans les colonnes de notre journal national.
Il vous souviendra que c’est suite au décret portant réaménagement du gouvernement en date du 19 février 2024 que le Président du Conseil National pour la sauvegarde de la Patrie, Chef de l’Etat, SE le Général de Brigade Abdourahamane Tiani nous a confié la charge du Ministère des Mines. Ceci, en vue de faire prendre à ce secteur toute son importance pour l’atteinte des objectifs que le CNSP s’est fixé qui sont entre autres : la réaffirmation de notre souveraineté sur nos ressources minières ; une meilleure contribution du secteur minier aux ressources de l’Etat ; la création d’emplois pour nos jeunes ; une meilleure contribution au développement local ; et un moindre impact sur l’environnement.
Depuis notre prise de fonction, il y a un peu plus de cinq (5) mois, plusieurs actions ont été entreprises visant notamment à réviser le cadre réglementaire et légal. Il s’agit, en s’inspirant de la Vision du CNSP, de notre expérience et des meilleures pratiques régionales et internationales de proposer une ordonnance portant révision de la Loi minière actuellement en vigueur dans notre pays ainsi que son décret d’application. D’ores et déjà, le comité mis en place à cet effet est à pied d’œuvre et reçoit les contributions des citoyens nigériens établis tant au Niger qu’à l’étranger.
Il y a ensuite l’audit interne de tous les titres miniers attribués aux entreprises tant nationales qu’étrangères. Pour ce faire, un comité a également été mis en place et délibère régulièrement en présence du Ministre des Mines. Les résultats des travaux de ce comité se font déjà ressentir car plusieurs titres miniers ont été ramenés dans le domaine public de l’Etat, plusieurs entreprises nationales et étrangères ont été mises en demeure de respecter les conventions qui les lient à l’Etat du Niger tantôt pour des travaux non exécutés, tantôt pour des droits et taxes non payés et tantôt pour des déclarations de production et des rapports d’activités non déposés.
Nous avons également entrepris des démarches en vue d’obtenir un cadre de travail mieux approprié pour les agents du Ministère des Mines. Ces démarches ont abouti à l’attribution de l’immeuble dénommé « La maison de l’uranium » à notre Ministère. Le déménagement se fera incessamment.
Enfin, nous avons naturellement rencontré les agents de notre Ministère, y compris le syndicat. Nos échanges ont plus porté sur la remise des agents au travail en vue de l’atteinte des objectifs à nous fixés par le CNSP et le gouvernement pour une meilleure contribution du secteur des mines au développement économique et social de notre Patrie, le Niger.
Ma visite dans la région d’Agadez avait pour but la prise de contact avec tous les acteurs du secteur des mines de la région. Il s’était agi donc de rencontrer les autorités administratives, coutumières et les structures déconcentrées du Ministère, d’aller sur le terrain au plus près des opérateurs miniers pour constater de visu la situation et de rendre compte à l’issue en vue d’adapter les prises de décisions.
La région d’Agadez est non seulement la plus vaste de notre pays, mais elle est également celle qui regorge le plus de ressources minières connues à ce jour d’où l’importance de cette région pour le Ministère des Mines. En conclusion, nous avons un potentiel minier énorme, l’Etat doit être plus présent dans ce secteur pour affirmer sa souveraineté sur ses ressources et y asseoir son développement économique et social.
Concernant l’or dont les activités d’extraction se développent de plus en plus dans la région d’Agadez et dans certaines zones du pays avec surtout l’implication des personnes et sociétés privées, y a-t-il de nouvelles mesures pour encadrer ce secteur et mettre l’État dans ses droits ?
Il faut rappeler que l’orpaillage a commencé dans les années 1980 au Niger. Depuis lors, ces activités n’ont cessé de croître. Dans un premier temps c’était la région de Tillabéri, puis en 2014 dans la région d’Agadez et en 2021 dans la région de Maradi.
L’Etat du Niger, à travers le Ministère des Mines, s’est doté de la réglementation progressivement mise à jour pour prendre en charge le domaine minier dans sa globalité. A titre illustratif, pour ce qui concerne l’orpaillage, en plus des contrôles régaliens de l’Administration des Mines, les sites d’orpaillage sont suivis par des équipes mixtes de surveillance dont la composition et les missions sont bien définies.
Les mesures prises pour encadrer ce secteur et mettre l’État dans ses droits sont essentiellement, le renforcement du cadre administratif à travers la création de deux directions départementales des Mines à Ingall et Tchirozérine en juin 2024 ; l’état des lieux des droits miniers qui s’est soldé par le recouvrement de plusieurs droits et taxes impayés et le retrait de certains titres miniers aurifères ; un contrôle plus poussé de la commercialisation de l’or et autres substances minérales ; le projet de révision des dispositions fiscales contenues dans la Loi minière.
Il y a quelques mois, le Ministère des Mines a suspendu l’octroi des titres miniers et des permis déjà accordés. Monsieur le ministre qu’est-ce qui justifiait cette décision et quelles peuvent être ses implications ?
Cette décision est une décision souveraine de l’Etat du Niger. Vous savez le Ministère des Mines a octroyé plusieurs titres miniers par le passé, il est par conséquent normal qu’au lendemain des événements du 26 juillet 2023 de faire un audit interne de tous ces titres miniers octroyés, assainir la situation et repartir sur des nouvelles bases. L’objectif visé est que les activités minières puissent mieux profiter au pays à travers une meilleure contribution à l’économie nationale. Cette mesure temporaire a été prise pour permettre à l’Etat d’affirmer sa souveraineté sur ses ressources naturelles au bénéfice du Niger et de son peuple. Elle sera reconsidérée dès que les conditions nécessaires seront remplies.
Monsieur le ministre après le retrait récemment à des sociétés étrangères des permis d’exploitation d’uranium quelle est la vision des autorités concernant ce secteur ?
Comme je l’ai annoncé plus haut, l’Etat du Niger depuis le 26 juillet 2024 est en train d’affirmer sa souveraineté sur ses ressources minérales. Effectivement, depuis notre arrivée aux commandes du département ministériel, plusieurs autorisations d’exploitation, permis de recherches et permis d’exploitation ont été retirés à des entreprises tant nationales qu’étrangères et les périmètres objets de ces titres miniers ont fait retour au domaine public. Ces retraits de titres miniers se sont faits dans le strict respect de la législation minière en vigueur dans notre Pays. L’objectif encore une fois étant de faire respecter les Lois dont le Niger s’est doté. Certaines de ces entreprises ne payaient pas les redevances dues à l’Etat, d’autres détenaient des permis de recherche dont la période de validité était expirée sans demande de renouvellement et quelques-unes enfin conservaient des permis d’exploitation depuis plusieurs années sans aucune perspective de mise en valeur. Pour ces dernières, des sociétés d’exploitation avaient même été constituées, les parts de l’Etat payées et puis, plus rien. Pour l’une d’entre elles, les matériels acquis à grands frais ont été cédés à des prix dérisoires, le personnel recruté a été licencié et les contrats des sous-traitants résiliés, les abandonnant à la merci de leurs créanciers.
Il s’agira donc d’assainir le secteur minier pour que l’Etat soit rétabli et désormais respecté dans sa souveraineté et ses prérogatives légales et réglementaires afin que ce secteur soit un des leviers de notre développement économique et social. Réalisé par Souley Moutari (ONEP)