Monsieur le ministre, le Président du CNSP, chef de l’Etat a donné des lettres de mission à tous les membres du gouvernement. Pouvez-vous nous dire en résumé, ce qui est attendu de vous en tant que ministre du Pétrole ?
Merci à toute l’équipe de l’Office National d’Edition et de Presse pour l’opportunité que vous nous offrez pour échanger sur des questions liées au fonctionnement de mon département ministériel.
Effectivement, lors de son message à la Nation à l’occasion du 65ème anniversaire de la Proclamation de la République le 17 Décembre 2023, le Chef de l’Etat, Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), Son Excellence le Général de Brigade Abdourahamane Tiani avait pris l’engagement d’adresser à chaque membre de son Gouvernement, une lettre de mission dont le contenu reflète la vision du CNSP.
C’est dans ce cadre qu’une lettre de mission m’a été adressée. Cette lettre de mission comprenait plusieurs points.
Cependant, le 19 Février 2024, un réaménagement du gouvernement a permis de scinder le Ministère en trois départements dont celui du pétrole avec une nouvelle lettre de mission axée sur trois points :
- Le renforcement du dispositif d’encadrement de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières afin d’améliorer leurs contributions à l’économie nationale ;
- La Définition d’un cadre favorable pour l’investissement et la diversification de l’exploitation pétrolière ; et, enfin
- La mise en place d’un cadre approprié de mesure des résultats et d’appréciation de la performance des actions du Ministère.
Entre temps, lorsque nous étions en charge des trois secteurs, nous avions réalisé la finalisation et la mise en service de la centrale solaire de 30 mgw le 26 Novembre 2023 et la mise en place d’un dispositif de piquage pour augmenter la capacité de production de la centrale de Goudel.
Relativement à ma seconde lettre de mission, il faut noter que d’ores et déjà, mon département ministériel a élaboré un plan d’action pour traduire en actes la volonté du Chef de l’Etat, Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP).
Actuellement, ce plan d’action est en train d’être mis en place et nous avons prévu des mécanismes pour son évaluation à court, moyen et long termes.
Le Niger vient d’intégrer le cercle des pays exportateurs du brut. Quelles sont les orientations du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) en termes de gestion du secteur ?
Dans ce secteur, le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie, Son Excellence le Général de Brigade, Abdourahamane Tiani a pris toutes les dispositions nécessaires pour mettre l’Etat dans ses droits. C’est ainsi qu’il a instruit le Gouvernement, à travers mon département ministériel, afin de prendre des mesures conservatoires pour maitriser les quantités de pétrole brut destinées à l’export et le chargement des bateaux pétroliers.
Dans la même optique, des agents du Ministère du Pétrole ont été formés en inspection pétrolière et cette série de formation se poursuivra pour préserver les intérêts de l’Etat.
Quelles sont les dispositions prises par le gouvernement pour que la manne profite à tous les citoyens ?
En termes de dispositions prises, je rappelle que c’est la première fois que des négociations ont été conduites de manière transparente et inclusive. Ce qui a permis à notre pays d’engranger des devises importantes d’une valeur de quatre cent (400) millions de dollar américain.
D’autre part, des ventes réalisées grâce à l’intermédiation du Ministère du Pétrole aux pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) ont permis à la SORAZ et à la SONIDEP d’augmenter substantiellement leurs ventes à l’export. Ces ventes ont surtout permis à la SORAZ et à la SONIDEP de déstocker. Ce qui leur a permis de maintenir un niveau de production continue et stable.
Beaucoup d’acteurs sont montés au créneau pour dénoncer la situation et le traitement réservés au personnel nigérien (cadres comme ouvriers) dans les sociétés pétrolières avec notamment une différence abyssale dans les traitements. Quelles sont les mesures prises pour corriger les manquements ainsi relevés ?
A la demande du Ministère du Pétrole et après d’amples négociations entre la CNPCNP et ses employés, les conclusions ont abouti à la valorisation des salaires de façon consistante des employés Nigériens depuis le 1er janvier 2024.
La différence de traitement salariale se remarque plus au niveau des employés sous-traitants Chinois et Nigériens. Pour cela le Ministère du Pétrole a pris des dispositions par lettre N°00393/MP/M/E/SG/DGH/DPESS le 19 Décembre 2023, pour arrêter la mise à disposition des travailleurs Nigériens par les cabinets de placement, étant donné que nous sommes dans la période d’exploitation de la phase II. Les travaux sont permanents d’où la nécessité d’avoir des emplois plus stables. Certaines sociétés ont commencé à suivre cette démarche, d’autres sont en retard. L’objectif est que tous les salariés soient dans les meilleures conditions de vie et de travail sur l’ensemble des sites pétroliers. Pour cela nous y veillerons sans état d’âme.
Dans le même ordre d’idée, nous venons de signer une lettre pour approuver les ajustements du système de rémunération afin que les salaires des employés nigériens de WAPCO soient alignés à ceux du personnel chinois. De même, les allocations et leurs proportions seront réajustées.
D’autre part, lors de notre dernière visite à la SORAZ en Juin de cette année, nous avons décidé de la mise en place d’un comité de nigérisation intégrale du personnel dans un délai de cinq ans.
Qu’en est-il de la question de la sous-traitance par les entreprises nigériennes dans le secteur pétrolier ?
A ce niveau, il est important de souligner que j’ai convoqué une réunion regroupant l’ensemble des entreprises et leurs sous-traitants pour leur faire part des instructions formelles du Chef de l’Etat qui stipulait qu’aucune entreprise étrangère ne doit bénéficier d’un contrat tant qu’il y a une entreprise nigérienne capable de réaliser la prestation et nous sommes en train de veiller à cela à travers le suivi régulier d’attribution de marchés nouveaux. Ceux qui sont en cours, nous veilleront à ce qu’ils ne soient pas reconduits et même lorsque les entreprises nigériennes ne seront en capacité de fournir seules, nous exigeons qu’elles le fassent en jointe venture avec d’autres entreprises nigériennes.
Pour verrouiller tout cela, nous avons soumis un projet d’ordonnance pour le contenu local à l’intérieur duquel nous avons intégré une disposition qui stipule qu’en cas de non-respect de ces obligations, les coûts du marché y afférent ne seront pas récupérables.
Après la mise en exploitation et la production actuelle de 110.000 barils/jour avec les partenaires chinois, quelle sera la prochaine étape ? Y-a-t-il d’autres partenaires en perspectives ?
Effectivement après les sociétés chinoises, nous avons d’autres partenaires dans le secteur comme SIPEX, SAVANNAH pour ne citer que ces deux-là et qui ont un permis d’exploration depuis 2022. Nous sommes en train de les suivre pas à pas pour les amener à respecter strictement leurs cahiers de charge, faute de quoi nous retirerons leur permis sans hésitation aucune.
D’autre part, dans un élan de souveraineté nationale, le Chef de l’Etat Son Excellence le Général de Brigade Abdourahmane Tiani a décidé d’accorder à la Société Nigérienne de Pétrole (SONIDEP) une autorisation exclusive de recherche pour le bloc BILMA et les blocs R5, R6 et R7. Cette décision historique a été prise lors du Conseil des Ministres du 02 Mars dernier.
Au terme de cette décision, la SONIDEP dispose désormais de ses propres blocs pétroliers. Cette décision s’est matérialisée le 26 Mars avec la signature d’un contrat de partage de production entre mon département ministériel et la SONIDEP. Ce qui permettra ainsi à notre société nationale d’intervenir en amont et en aval de la production. C’est dire que désormais la SONIDEP ne se limitera plus à la commercialisation du pétrole, elle sera aussi dans l’exploration et la production.
Avec ces trois partenaires, nous allons augmenter notre capacité de production de façon substantielle.
Eu égard aux agissements des autorités béninoises dans le cadre de l’exploitation du pipeline Niger-Bénin et le chargement du brut au port de Semé, quelles sont les alternatives envisagées par le Niger, si ces comportements contraires aux accords entre les différentes parties persistent ?
Au début du projet du pipeline export, trois options ont été identifiées à savoir celle du Bénin, celle du Tchad et enfin celle du Nigéria. Finalement, notre pays a privilégié l’option du Bénin. Malheureusement la suite tout le monde la connaît aujourd’hui.
Cependant, les autorités au plus haut niveau ont pensé à d’autres alternatives pour parer au plus pressé. C’est dans cette dynamique que l’Etat du Niger a pensé à une première alternative aux agissements des autorités béninoises, celle de chercher un autre débouché notamment l’option du Tchad. A ce niveau, je puis vous assurer que des discussions ont été engagées lors de la visite de la Ministre du Pétrole du Tchad au Niger tout récemment.
Dans cette même dynamique, l’Etat du Niger a décidé d’accélérer le projet de construction d’une deuxième raffinerie à Dosso et d’un complexe pétrochimique. Ce qui nous permettra de traiter chez nous la totalité de la production non seulement en hydrocarbures y compris le JET A1 mais aussi en produits dérivés (polymères) et d’autre part, à la demande des autorités tchadiennes, le Chef de l’Etat a donné son accord sur la réactivation du projet du pipeline Niger-Tchad-Cameroun.
C’est ainsi que lors du dernier Conseil des Ministres de Juin 2024, il a été décidé la création d’un Comité interministériel sur le sujet.
Justement par rapport à la construction d’une raffinerie à Dosso. Quels sont les objectifs de ce projet et à quel niveau se trouve-t-il actuellement ?
L’objectif général est la transformation sur place de matière première qui est le pétrole brut pour tirer tous les dividendes. De manière spécifique, il s’agit de la construction d’une seconde raffinerie modulaire de 100 000 barils jour dont le premier module sera de 30 000 barils/jour et d’un complexe pétrochimique dans la Région de Dosso.
Le projet avance normalement. Les Termes de Références ont été élaborés, le site de l’implantation a été identifié et choisi et les travaux concernant le tracé des voies d’accès à la raffinerie et aux champs de captage d’eau pour ravitailler les deux usines sont en cours.
Mieux encore, des études hydrogéologiques et géophysiques vont démarrer incessamment. D’ores et déjà, un Comité Technique de Suivi (CTS) a été mis en place pour superviser les travaux de l’étude de faisabilité, la construction et la mise en service des deux usines. D’autre part, une Unité de Gestion de Projet (UGP) Raffinerie et Complexe Pétrochimique a été créée pour travailler en permanence sur le projet notamment les discussions avec les investisseurs.
Depuis de nombreuses années, le cri de cœur des populations nigériennes notamment les consommateurs directs, c’est la baisse des prix à la pompe. Qu’avez-vous à dire à ce propos ?
L’ors du denier Conseil des Ministres du lundi 24 Juin dernier, une communication a porté sur la mise en place d’un groupe de travail et de réflexion sur instruction du Chef de l’Etat, Président du CNSP. Ce cadre de travail est chargé de réfléchir sur la révision de la structure des prix des produits pétroliers, dans l’optique d’une baisse du prix à la pompe.
Des simulations ont été proposées par le groupe de travail qui seront examinées et validées par les autorités dans les prochains jours.
Dans la même dynamique, des discussions sont en cours avec la Chambre de Commerce pour qu’elle fasse aussi des simulations de baisse des prix des produits de premières nécessités et ceux des transports urbain et inter urbain.
Siradj Sanda (ONEP)