Parmi les défis contemporains, la cybercriminalité constitue un fléau qu’il convient de prendre très au sérieux et qu’il faut mieux connaître pour mieux s’en protéger. En effet, les hackers, les cybers escrocs ou ‘‘brouteurs’’ comme les experts les surnomment, constituent une menace réelle. Selon ces experts, 150 millions de mails sont envoyés chaque jour par les cyber-délinquants à travers le monde et 80.000 personnes se font avoir chaque 24 heures. Donc, que de victimes anonymes de ceux qui utilisent la technologie de pointe pour perpétrer leurs crimes en tout genre ! Décidée en Conseil des ministres le 8 juin 2019, la loi contre la cybercriminalité a été adoptée par 118 voix favorables sur un total de 171 députés nationaux, le 25 juin de la même année. Pour mieux comprendre ce phénomène qu’est la cybercriminalité et qui est devenu un fléau mondial ainsi que la nouvelle loi sur la cybercriminalité, Le Sahel Dimanche a rencontré Mme Maïmouna Gogé, Magistrat et Présidente sortante de l’Agence Nationale de Lutte contre le trafic des personnes.
Il y a un peu plus d’un an, l’assemblée nationale a adopté une loi sur la cybercriminalité, pour règlementer les conversations et les publications sur les réseaux sociaux. Qu’entend-on par cybercriminalité ?
La cybercriminalité peut être définie comme une « infraction pénale susceptible de se commettre sur ou au moyen d’un système informatique généralement connecté à un réseau». La Cybercriminalité se définit donc comme l’ensemble des infractions pénales qui se commettent au moyen ou sur réseau de télécommunications ou un système d’information. On dénombre plusieurs actes délictueux en matière électronique, on peut notamment citer : l’arnaque à l’héritage, à la loterie, aux faux sentiments, la fraude sur porte-monnaie électronique (paiement par téléphone mobile), le chantage à la webcam, etc. Au Niger c’est le chantage à la webcam qui fait le plus parler de lui ces derniers temps au Niger avec son lot de victimes dans toutes les sphères de la Société. Tout y passe, des hauts fonctionnaires aux hommes d’affaires sans oublier le citoyen moyen qui découvre souvent l’internet à travers les réseaux sociaux (surtout Facebook). Cette escroquerie consiste pour le cyber-délinquant à : contacter sa future victime via les réseaux sociaux à partir d’un faux profil ; établir une relation de confiance au fil des discussions ; proposer à la victime de passer sur un service permettant la visiophonie par webcam ; favoriser une conversation vidéo plus intime puis profiter pour capturer le flux vidéo des images susceptibles de porter atteinte à la vie privée de la victime ; ensuite changer carrément de ton en devenant violent verbalement et menaçant et demander de fortes sommes d’argent à la victime en menaçant de diffuser ces vidéos sur internet (Facebook, Youtube …). Il s’agit donc d’une nouvelle forme de criminalité et de délinquance qui se distingue des formes traditionnelles en ce qu’elle se situe dans un espace virtuel, le « cyberespace ». Depuis quelques années la démocratisation de l’accès à l’informatique et la globalisation des réseaux ont été des facteurs de développement du cyber-crime. Il est possible de catégoriser les cyber-infractions en deux grandes familles : Les infractions contre les systèmes parmi lesquelles se comptent les atteintes aux systèmes de traitement automatisés des données et les infractions facilitées par les NTICs que sont les escroqueries en ligne, le blanchiment d’argent, la contrefaçon ou toute autre violation de propriété intellectuelle, ils forment 90% des infractions. Selon certaines sources, la cybercriminalité cause des pertes financières de l’ordre de 40 milliards de dollars chaque année dans le monde. Profitant du vide juridique sur les cyber-crimes dans la plupart de nos états et de l’inexistence de véritables dispositifs capables de traiter les infractions commises afin d’en rechercher les auteurs pour leur faire subir les rigueurs de la loi, plusieurs typologies d’infractions ont été développées par les cyber-délinquants qui les améliorent et les adaptent aux moments et à leurs audiences (victimes). Le Niger qui commence à enregistrer des victimes et des délinquants de la cybercriminalité parmi ses citoyens, a décidé d’adopter la loi N°2019-33 du 03 juillet 2019, portant répression de la cybercriminalité au Niger, pour lutter contre cette pratique illégale.
A qui s’applique cette nouvelle loi contre la cybercriminalité et quelles sanctions encoure la personne condamnée pour ce délit ?
La loi N°2019-33 du 03 juillet 2019 portant répression de la cybercriminalité au Niger s’applique à l’ensemble des citoyens. Elle est conditionnée à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (télévisons numériques, site-web, pages Facebook personnalisées,…). En matière de cybercriminalité, le réseau ou système peuvent être utilisés pour commettre une infraction, tout comme l’infraction peut être commise sur le réseau ou système. Les infractions peuvent se commettre de deux manières. Les infractions commises au moyen d’un réseau de télécommunications ou un système d’information. Il s’agit : Reproduction, extraction, copiage de données informatiques ; Escroquerie portant sur des données informatiques ; Abus de confiance portant sur les données informatiques ; Extorsion portant sur des données informatiques ; Chantage portant sur des données informatiques ; Recel portant sur des données informatiques. Quant aux infractions commises sur un réseau de télécommunications ou un système d’information, elles se résument de : Propos à caractère raciste, régionaliste, ethnique, religieux ou xénophobe ; Diffamation par un moyen de communication électronique ; Injure par un moyen de communication électronique ; Diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine. Par ailleurs, les différentes infractions portant sur les données informatiques, sont au nombre de sept (07). Il y a les infractions consacrées par loi réprimant la cybercriminalité, les infractions initialement prévues et réprimées par le code pénal et les infractions prévues par l’ordonnance 2010-35 du 04 juin 2010. La loi N°2019-33 du 03 juillet 2019 portant répression de la cybercriminalité : Reproduction, extraction, copiage de données informatiques (Article 21). Est puni d’une peine d’emprisonnement de un (1) à cinq (5) ans et d’une amende de trois millions (3.000.000) à dix millions (10.000.000) de francs CFA, quiconque reproduit, extrait ou copie intentionnellement et sans droit des données informatiques appartenant à autrui. De la diffusion des données de nature à troubler l’ordre public : « Est puni d’une peine d’emprisonnement de six(6) mois à trois (3)ans et de un million (1.000.000)à cinq millions (5.000.000)de francs CFA d’amende, le fait pour une personne de produire, de mettre à la disposition d’autrui ou de diffuser des données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine par le biais d’un système d’information », (Article 31). Selon le code pénal, pour l’escroquerie, l’article 333 précise que « Quiconque, par des manœuvres frauduleuses quelconques, se sera fait remettre ou délivrer, ou aura tenté de se faire remettre ou délivrer, des fonds, des meubles ou des obligations, dispositions, billets, promesses, quittances ou décharges, et aura ainsi escroqué ou tenté d’escroquer tout ou partie de la fortune d’autrui, sera puni d’un emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 20.000 à 200.000 francs CFA». Lorsque cette escroquerie a pour objet des données informatiques, les peines prévues sont d’une peine d’emprisonnement de deux (2) à cinq (5) ans et d’une amende correspondant au triple de la valeur mise en cause sans qu’elle ne soit inférieure à un million (1.000.000)de francs, selon l’Article 22 dudit code. Contrairement au Code Pénal, en matière de cybercriminalité, la juridiction saisie peut prononcer l’interdiction d’exercice des droits civiques et/ou l’interdiction de séjour, pour une durée qui ne peut excéder cinq (5) ans. Pour l’abus de confiance, l’article 338 précise « Quiconque aura frauduleusement détourné ou dissipé un meuble corporel ou une valeur incorporelle, qui lui aura été volontairement remis à un titre quelconque, à charge de le restituer ou d’en faire un usage déterminé, sera puni d’une peine d’emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de 10.000 à 100.000 francs. Au sens de l’article 23 de la loi 2019, la peine prévue de deux (2) à cinq (5) ans d’emprisonnement et une amende de un million (1.000.000) à cinq millions (5.000.000) de francs CFA. Quant à l’extorsion, l’article 343 du Code pénal indique que « Quiconque aura extorqué ou tenté d’extorquer par force, violence ou contrainte, la signature ou la remise d’un écrit, d’un acte, d’un titre, d’une pièce quelconque contenant ou opérant obligation, disposition ou décharge, sera puni d’un emprisonnement de deux à moins de dix ans et d’une amende de 20.000 à 200.000 francs ». Il ne pourra en aucun cas être fait application des dispositions relatives aux circonstances atténuantes et au sursis. Maintenant, lorsque l’extorsion porte sur des données informatiques la peine d’emprisonnement est de deux (2) à moins de dix (10) ans et d’une amende de cinq millions (5.000.000) à vingt millions (20.000.000) de francs CFA, (Article 25). Par rapport au Chantage, selon l’article 344 du CP « Quiconque, à l’aide de la menace, écrite ou verbale, de révélations ou d’imputations diffamatoires, aura extorqué ou tenté d’extorquer, soit la remise de fonds ou valeurs, soit la signature ou la remise des écrits énumérés à l’article précédent, et se sera rendu ainsi coupable de chantage, sera puni d’un emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 20.000 à 200.000 francs ». Par contre, le Chantage portant sur des données informatiques est puni d’une peine d’emprisonnement de deux (2) à sept (7) ans et d’une amende de cinq millions (5.000.000) à vingt millions (20.000.000) de francs CFA (Article 26). Pour le recel, l’article 354 dudit cde stipule : « Le recel est le fait de détenir sciemment, à un titre quelconque, des choses obtenues à l’aide d’un crime ou d’un délit. Le receleur sera puni d’un emprisonnement de un à moins de dix ans et d’une amende de 20.000 à 200.000 francs ». Cependant, lorsque le recel a pour objet des données informatiques, les peines sont un emprisonnement de deux (2) à moins de dix (10) ans et une amende de cinq millions (5.000.000) à vingt millions (20.000.000) de francs CFA, selon l’article 24 de la nouvelle loi. Par rapport aux propos à caractère raciste, régionaliste, ethnique, religieux ou xénophobe, le CP, en son article 102, stipule que « Tout acte de discrimination raciale ou ethnique, de même que toute propagande régionaliste, toute manifestation contraire à la liberté de conscience et à la liberté de culte, susceptible de dresser les uns contre les autres, les citoyens, sera punie de un à cinq ans d’emprisonnement et de l’interdiction de séjour ». Mais la peine sera de un (1) à cinq (5) ans d’emprisonnement et d’une amende de un million (1.000.000) à cinq millions (5.000.000) de francs CFA, lorsque l’infraction est commise par le biais d’un système d’information, selon cette loi, en son article 32.
Réalisée par Mahamadou Diallo(onep)