
Mme Zarami Fadji
Mme la Directrice Générale, qu’est-ce que le droit d’auteur et qui peut légitimement et légalement y prétendre ?
Le droit d’auteur est l’ensemble des prérogatives exclusives dont dispose un auteur ou ses ayants droit (héritiers, société de production…) sur des œuvres de l’esprit original. Il permet à l’auteur de jouir de droits moraux et patrimoniaux sur ses créations. Le droit d’auteur protège les œuvres littéraires et artistiques. Ainsi, selon les dispositions des articles 4, 5 et 6 de l’ordonnance 2010, ces objets protégés sont : les œuvres exprimées par écrit y compris les programmes d’ordinateur ; les conférences, allocutions, sermons et autres œuvres faites de mots et expressions orales ; les œuvres musicales, qu’elles comprennent ou non des textes d’accompagnement ; les œuvres dramatiques ; les œuvres chorégraphiques ; les œuvres audiovisuelles ; les œuvres d’architecture, photographiques ; les illustrations, les cartes géographiques, les plans ; les recueils et les œuvres dérivées telles que les traductions, les adaptations, et autres transformations d’œuvres et d’expressions du patrimoine culturel traditionnel ou des bases de données qui, par la sélection et l’arrangement de leur contenu, sont originaux.
Quel rôle joue le Bureau Nigérien du Droit d’Auteur auprès de ses usagers, et cette institution arrive-t-elle à remplir sa mission ?
Le BNDA est chargé de la gestion collective des droits d’auteur, des droits voisins et des expressions du patrimoine traditionnel au Niger. Auprès de ses usagers, il a pour rôle principal la collecte des redevances dues à l’exploitation de son répertoire par le biais d’un contrat, d’une licence ou toute autre autorisation définie par les textes en vigueur. Il représente les créateurs sur tout le territoire et même à l’étranger par un contrat de représentation générale. A cet effet, le BNDA assure la sensibilisation des utilisateurs d’œuvre de l’esprit.
Quelles sont les structures auprès desquelles le BNDA collecte les redevances et quels sont les critères de leur redistribution aux bénéficiaires ?
Les structures auprès desquelles le Bureau Nigérien du Droit d’Auteur collecte les redevances sont : les auberges, les pharmacies, les cliniques, les compagnies de téléphonie, les compagnies de transport, les établissements hôteliers, les organisateurs de spectacles, les bars, les buvettes, les salons de coiffure, les radios télévisions ou tout autre usager public ou privé exploitant des œuvres protégées pour des buts lucratifs. La redistribution se fait en tenant compte de plusieurs critères, dont la déclaration des œuvres exploitées par les organisateurs de spectacles, la fréquence de diffusion des œuvres à travers les relevés d’utilisation que nous fournissent les utilisateurs
À tort ou à raison, certains artistes trouvent dérisoires les montants perçus lors de la redistribution des redevances ; que répondez-vous à ce genre d’appréciation ?
Ces critiques sont compréhensibles mais pas tout à fait fondées. Il est important de noter que le montant redistribué dépend directement de ce qui est collecté, et surtout de l’utilisation de l’œuvre. Le BNDA continue de travailler pour élargir sa base de perception, améliorer le système de traçabilité des œuvres exploitées, et sensibiliser les usagers pour augmenter les revenus des créateurs. Il faut souligner que certains usagers sont intraitables et difficiles, parfois il nous faut mobiliser la force publique ou des poursuites judiciaires pour que ça bouge. Voyez-vous !
Y-a-t-il du côté de l’État des initiatives visant à améliorer les revenus des artistes à travers notamment la protection de leurs droits en tant qu’auteurs ?
Oui, l’État nigérien, conscient du rôle fondamental de la culture, a initié plusieurs actions. On peut citer le renforcement du cadre juridique par l’adoption du décret 2018, la ratification de conventions internationales, le soutien institutionnel au BNDA, et l’encouragement à la formalisation des activités culturelles. A cet effet, nos plus hautes autorités notamment notre ministre de tutelle en charge de la Culture en collaboration avec le ministre en charge des Finances, sont à pied-d ‘œuvre pour la mise en œuvre de la rémunération pour copie privée (RCP).
Mme la Directrice Générale, expliquez-nous un peu ce qu’est la copie privée.
La copie privée est le fait pour une personne de reproduire intégralement ou en partie une œuvre de l’esprit (musique, film….), sans qu’elle ait besoin d’une autorisation spéciale et sans que ce ne soit une obligation pour elle de payer la redevance. Par exemple : repiquer une cassette, graver un CD emprunté à un ami. C’est une des exceptions légales apportant une limitation aux droits exclusifs que l’auteur a sur son œuvre. Elle est prévue par la convention de Berne de 1886 et l’ordonnance n° 2010-95 du 23 décembre 2010 portant sur les droits d’auteur, les droits voisins, les expressions du patrimoine culturel traditionnel au Niger dans le but de permettre l’accès du public à la culture et à la connaissance. L’usage privé signifie que l’œuvre copiée ou reproduite ne doit être utilisée que dans un cercle restreint comme celui de famille, des amis.
Celui qui reproduit des œuvres protégées pour aller les vendre ou les distribuer à quelque titre que ce soit sort du cadre de copie privée, il fait de la reproduction (duplication) illégale, autrement dit piraterie ou contrefaçon d’œuvre.
Pourquoi une redevance pour copie privée ?
Combien sommes-nous à repiquer une cassette, graver un CD, capter un clip à la télé ou à télécharger un fichier de musique ou de film sur internet à travers son ordinateur ou son téléphone portable ? Il est évident que nous ne sommes pas très nombreux à pouvoir jurer non ! C’est un geste banal, presqu’un acte reflexe qui prend désormais de l’ampleur dans notre quotidien. Cependant, il est important de savoir que chaque œuvre copiée de cette façon constitue un manque à gagner considérable pour l’auteur et, autant de fois que le geste est répété en vue de compenser le manque à gagner et dans le but d’apporter un soutien permanent à la création littéraire et artistique, le législateur a institué une rémunération sous forme de redevance dite « copie privée ». La rémunération pour copie privée est prévue par les articles 27 et 65 de l’ordonnance n° 2010-95 du 23 décembre 2010 portant sur les droits d’auteur, les droits voisins, les expressions du patrimoine culturel traditionnel au Niger et dans beaucoup de législations africaines comme celles du Burkina Faso, de la Cote d’Ivoire, etc.
Mme la Directrice, quelles sont les difficultés que rencontre le BNDA pour faire face à toutes ces préoccupations évoquées ?
Le BNDA ayant fait cette option de la pluridisciplinarité n’a pu, jusqu’à présent, assurer que la gestion effective de quelques-unes de ses sections seulement. C’est surtout au niveau de la perception des redevances à payer aux artistes qu’il y a des difficultés, la certitude donc est le fait que le BNDA est confronté à d’énormes difficultés qui constituent des défis à relever. Au regard des faibles effectifs d’agents de recouvrement, le ratio usager/agent de recouvrement est très élevé. Or, il est constant que les usagers viennent rarement de leur propre initiative vers le BNDA pour s’acquitter de leur obligation de paiement des droits d’auteur. Ils le font très souvent sous la pression ou l’intervention des agents de recouvrement. Ces derniers, déjà limités en nombre, sont démunis en moyens logistiques pour l’exécution de leurs missions.
Interview réalisée par Aïchatou H. Wakasso (ONEP)