Cadre de la culture, Consultant-spécialiste en Gestion du Patrimoine Culturel, M. Adamou Dan Ladi, a été auparavant entre autres, Conseiller technique du ministre de la culture, Directeur Général du Patrimoine Culturel, et des musées. Dans cet entretien il évoque les engagements pris par les Etats parties lors de la Conférence mondiale sur la culture ou Mondiacult que la ville de Mexico a abritée les préoccupations dans le secteur de la culture au Niger, la protection du patrimoine, etc.
Monsieur DanLadi Adamou, en tant que Consultant-spécialiste en Gestion du Patrimoine Culturel vous avez pris part avec la délégation du Niger du 28 au 29 septembre 2022 à la Conférence mondiale sur la culture ou Mondiacult que la ville de Mexico a accueillie. Quel est l’apport de votre participation à cette importante rencontre organisée par l’UNESCO ?
Avant de répondre à cette question, il est important de rappeler que l’objectif visé par le mondiacult 2022 est d’affirmer la culture comme « bien public mondial» à travers un dialogue inclusif sur l’avenir des politiques culturelles et le développement afin que la culture puisse contribuer de manière remarquable aux objectifs du développement durable.
En prélude à ce grand rendez-vous de la culture, notre pays a participé à plusieurs échanges virtuels organisés, notamment la consultation régionale africaine afin de mieux préparer la contribution de notre continent audit sommet.
Aussi, durant la conférence, la délégation nigérienne a également participé aux travaux programmés notamment les tables rondes sur diverses thématiques en lien avec les enjeux présents et futurs ainsi que les panels animés par les ministres de la culture invités. A cette occasion, le Ministre Hamid Mohamed a présenté au nom du Niger une communication sur « le patrimoine et la diversité culturelle en crise ». Il a développé dans sa communication entre autres, les causes et les conséquences des crises sécuritaire et sanitaire impactant fortement le secteur de la culture au Niger et au Sahel avant de formuler des recommandations visant à prévenir ou apporter des réponses aux crises survenues.
La Déclaration adoptée par les 150 Etats présents à mondiacult visant à faire de la culture un bien public mondial et un véritable objectif de développement durable est jugée très ambitieuse. Au Niger, peut-on raisonnablement espérer des actions pour la mise en œuvre des engagements pris à Mexico ?
La déclaration adoptée par la conférence de mondiacult 2022 est certes une ambition, mais, elle constitue surtout un engagement, une vision commune pour la participation de la culture au développement durable, post 2030.
Le Niger, État partie à l’adoption de cette déclaration, mesure toute la portée et les moyens à mettre en œuvre pour contribuer à l’atteinte des objectifs fixés.
Dans cette perspective, les principaux acteurs, notamment l’Etat et ses partenaires bilatéraux et multilatéraux, les collectivités territoriales, mais aussi les organisations de la société civile, doivent se mobiliser et soutenir une meilleure prise en compte de la culture, facteur de développement dans les politiques publiques prioritaires.
En tant que Consultant-spécialiste en Gestion du Patrimoine Culturel, que pensez-vous des préoccupations des acteurs culturels nigériens qui estiment à tort ou à raison que le secteur des Arts et de la Culture est de plus en plus délaissé dans les politiques publiques ?
Oui, les actions mises en œuvre et les moyens affectés à la culture au Niger sont insuffisants (moins d’un 1% du budget national) ce qui ne permet pas de favoriser le développement durable du secteur culturel en perpétuelle mutation.
La résolution 70/214 des Nations Unies réaffirme le rôle de la culture en tant que facilitateur du développement durable, mettant en évidence la contribution de la culture à l’inclusion sociale, à la création de revenus et la croissance économique, à la durabilité environnementale et à la consolidation de la paix.
Ce rôle fondamental de la culture, moteur de développement, commande à repenser les politiques culturelles adaptées et les intégrer dans les politiques publiques de développement durable.
Actualité oblige avec la Cop27 qui se tient en Egypte, est ce qu’il y a au Niger des actions spécifiques pour la protection du patrimoine qui est aussi menacé par le changement climatique ?
Le changement climatique est, sans nul doute, le plus grand défi mondial du moment affectant tous les secteurs de la vie dont les conséquences pèsent lourdement sur le potentiel économique, environnemental, et culturel à tous les niveaux.
Il faut noter que plusieurs études réalisées notamment par l’Unesco, ont démontré que la mise en œuvre de programmes et projets visant la protection et la conservation du patrimoine culturel et naturel, contribuent significativement à la réduction des effets néfastes liés au dérèglement climatique à travers l’utilisation des connaissances, des techniques et des pratiques traditionnelles favorisant la résilience et l’adaptation aux changements.
Aujourd’hui, plusieurs actions sont mises en œuvre dans le cadre de la protection et la gestion du patrimoine culturel national. Mais, pour apporter des réponses aux impacts du dérèglement climatique, des actions spécifiques planifiées de prévention et de gestion durable du patrimoine culturel, doivent être intégrées dans la stratégie nationale de lutte contre le fléau du changement climatique au Niger.
Concernant le patrimoine, le Centre historique d’Agadez est au Niger le premier bien culturel inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco en 2013. Quel bilan peut-on en faire en cette année où l’UNESCO célèbre le 50ème anniversaire du patrimoine mondial ?
L’inscription du centre historique d’Agadez constitue une avancée notable pour la protection et la valorisation du patrimoine culturel national. Dans cette dynamique, de multiples actions ont été réalisées grâce au concours de l’Etat à travers le ministère en charge de la culture, au soutien des partenaires et des communautés concernées. Mais, neuf ans après ce sacre du centre historique, il est apparu que la valeur universelle exceptionnelle de ce bien est fortement menacée par des pratiques non conformes comme les constructions et autres aménagements qui jurent avec les principes de gestion d’un bien du patrimoine mondial. Face à cette préoccupation majeure, il est urgent que des mesures appropriées soient prises et soutenues pars les principaux acteurs, notamment le sultanat, la mairie et les communautés concernées.
Enfin, l’organisation d’un colloque national sur la problématique de la conservation et la gestion durable du centre historique, s’impose.
Par Souley Moutari(onep)