Pendant tout le temps qu’elle a passé à la maternité, Maïrah, était encore sous le choc, le corps frissonnant, malgré ses pénibles efforts pour se contenir. Elle s’estimait tout de même heureuse d’avoir pu échapper à ce qui aurait pu lui être fatal. En même temps, elle est intriguée par ce personnage qui venait de la sauver .Elle va le revoir avant de retourner chez elle. Est-ce que lui aussi n’est pas un bandit ? Tout le laisse croire, son aspect physique avec sa barbe de trois jours, les relents d’alcool qui se dégageaient de son haleine, ses yeux rouges, et cette grande panique des agresseurs devant lui. Sitôt sortie de la maternité, arrivée au niveau de sa voiture, elle retrouve celui qu’elle appela « mon sauveur » en lui tendant la main. Maïrah, réunissant toutes ses réserves de courage, engagea la discussion la première, malgré cette peur ou plutôt cette angoissante attirance justement qui lui font perdre ses moyens :
– Que puis-je faire pour remercier mon sauveur d’une voix chevrotante ?
– Si vous me conduisez chez moi ce serait largement suffisant, vu que j’ai demandé au taxi qui était venu me chercher de retourner parce que je vous attendais comme promis, a répondu Abdoul ;
-Et C’est tout ? réagit Maïrah, contente d’avoir eu suffisamment de contenance devant cet inconnu qui l’impressionnait.
-Ce serait vraiment très gentil et je suis navré que ces malfrats aient pu s’en prendre à de paisibles citoyens, renchérit Abdoul. Cela commençait à intriguer Maïrah. Cet homme parle un français châtié et cette galanterie qu’on sent chez lui naturelle et qui évitait même de la fixer des yeux. Et quand un homme ne manifeste pas le moindre intérêt à la scruter, cela suscite toujours une certaine curiosité chez Maïrah.
Maïrah accepta et la conversation a continué pendant le trajet.
-Que faites-vous dans la vie, quand vous n’êtes pas en train de sauver de pauvres dames en détresse ? osa Maïrah après que les présentations aient été faites.
-Pas grand-chose en général, rétorqua Abdoul, qui voulait savoir le fond de la pensée de cette dame raffinée qui sent un de ces parfums qu’Abdoul n’avait jamais sentis auparavant ! C’est d’ailleurs ces effluves émanant de ces habits en lin couleur jaune-moutarde, qui faisaient qu’Abdoul évitait de regarder la dame pour épargner à ses narines les effets de ces fragrances afin de ne pas succomber de façon flagrante et impudique à tant de panache.
Cette réponse n’a pas surpris Maïrah outre mesure. Elle en était même un peu heureuse qu’il en soit ainsi . Elle y entrevoit des possibilités de revoir cet homme. Elle a déjà commencé à le trouver de plus en plus intéressant et fort à son goût. Ténébreux et courageux, Abdoul est, avec son physique, ce que les dames de la Jet Set appellent un Etalon, dont le seul regard sombre suffit à les émoustiller. Bien sûr, on ne peut pas décemment dire de Maïrah qu’elle est une Jetseteuse, elle qui a croisé le fer à tant de galères et vécu dans la mouise. Mais Abdoul la déstabilisait « grave même » ! Pendant que Maïrah réfléchissait à une idée pour créer une occasion de revoir Abdoul, celui-ci lui fait signe de s’arrêter à quelques mètres d’une caserne militaire.
-Vous habitez ici ? interrogea Maïrah, quelque peu surprise ?
-Oui Madame !
-Vous habitez chez un militaire…?
-Merci beaucoup Madame, Abdoul donna la main à Maïrah feignant d’ignorer cette dernière question et y glissa un bout de papier avec son numéro de téléphone.
-Bonne journée Abdoul
-Bonne journée Maïrah
Les deux viennent ainsi de personnaliser cette relation naissante.
Maïrah n’a pas attendu d’arriver à la maison pour appeler aussitôt ce numéro qu’Abdoul venait de lui donner. Tout de go elle posa la question :
-ça te dirait de t’occuper de ma sécurité, convaincue qu’il était sans emploi et vivant chez un parent dans la caserne ? Tes conditions seront les miennes, ajouta-t-elle pour maximiser ses chances de le convaincre. Elle en était arrivée à cette conclusion en mettant dans son analyse tous ces éléments de la vie d’Abdoul dont elle disposait en ce moment-là côte-à-côte.
-Ta sécurité ? tu as vraiment été traumatisée par les événements de ce matin à ce que je vois, plaisanta Abdoul !
-Non je serais probablement trop cher pour toi. Si tu veux, je peux te recommander des gens dont c’est le job, ajouta-t-il.
-Non, je te veux toi ! répondit Maïrah, qui ne veut pas lâcher le morceau, avec une telle charge d’émotion qu’on aurait dit qu’elle se draguait ouvertement elle-même pour Abdoul. Dans son « je te veux toi » tout est dit et cela n’était pas pour déplaire à Captain Kalala, dont la mâle fierté se sentit encensée par une si vigoureuse invite à l’Amour. En plus, cette lueur tonifiante dans l’opacité des non-dits lui laisse entrevoir la possibilité d’être enfin fixé sur le statut matrimonial de cette bellissime inconnue qui menace déjà de briser son armure. C’est tellement beau l’Amour, surtout drapé de ses Mystères dans les premières heures, à sa naissance, les premières hésitations, les terribles et douces incertitudes des attentes des lendemains de nuits blanches passées au téléphone !
Son esprit depuis ce matin était en ébullition.
-Pas de soucis de ce côté, répondit aussitôt Maïrah, un tantinet mystérieuse pour aiguiser le suspens dans la tête déjà « gnangami » de Captain K !
-Dans ce cas, laisse-moi le temps de réfléchir et je te ferai signe, in sha ALLAH ! finit par conclure Abdoul, en bon musulman pratiquant malgré ses nocturnes fréquentations. La réponse ne l’a toutefois pas satisfait, quant à la situation sociale de la Dame, mais Abdoul est un Guerrier, donc un moral d’acier. Mais, un Guerrier déjà amoureux sans se l’avouer. Un rendez-vous vient d’être programmé, on verra bien, finit-il par se dire, dans un de ses monologues intérieurs dont il est désormais coutumier. Dans son cœur, une tempête sauvage menace de dévaster tout l’édifice de ses résolutions qu’il croyait gravées dans le marbre.
Maïrah, de son côté, est trop impatiente de retrouver Abdoul qui occupe déjà tout son esprit, depuis qu’ils se sont rencontrés. Elle décide qu’elle va le rappeler une fois chez elle pour organiser leur prochain rendez-vous. Quant à elle, dans son esprit c’est déjà le TSUNAMI à force de penser « I CAN’T STOP THINKING ABOUT YOU » sans pouvoir le dire et son cœur au bord de l’infarctus !
Maïrah, à peine sa voiture rangée, se cala dans un de ses somptueux canapés pour appeler Abdoul. Elle lui proposa que leur prochaine rencontre ait lieu demain au même endroit où ils se sont rencontrés, c’est à dire au Délinquance-Bar à vingt heures. Abdoul, après un court instant d’hésitation, accepta.
Quelque chose lui dit qu’il va enfin avoir des réponses. Surtout sur le statut de Maïrah qui a occupé ses pensées toute la nuit. Il ne se doute pas du volcan en activité dans le cœur de Maïrah pour les mêmes raisons. Cependant, en même temps que cette précision sur le lieu et l’heure apporte une bouffée d’oxygène dans l’esprit d’Abdoul, il y a quelque chose qui le dérangeait, une certaine gêne, un certain inconfort psychologique. Il se demandait si ce n’est pas le genre de femmes que les anglo-saxons appellent Escort Girl ou ces femmes entretenues vivant exclusivement comme maîtresses d’hommes politiques ou d’affaires puissants ? Ou une de ces croqueuses de diamant ? Abdoul était tiraillé entre ces questionnements et ses doutes, augmentant son stress à mesure que l’heure du rendez-vous approchait. Il n’arrêtait de penser « QU’EST-CE QUI M’ARRIVE ? I CAN’T HELP MYSELF ! OH MY GOD ??? »
(A Suivre)
Ali Boukari CONTI(ABC)