Le président de la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées (HALCIA), M. Gousmane Abdourahmane, a animé le 16 Août dernier à Niamey, un point de presse. Il s’agissait pour le président de la HALCIA de porter à la connaissance de l’opinion publique les avancées enregistrées par le Niger dans la lutte contre la corruption ainsi que les perspectives envisagées.
Au cours du point de presse, le président de la Haute Autorité de Lutte contre la Corruption et les Infractions Assimilées, M. Gousmane Abdourahmane a rappelé que l’institution opère principalement sous deux angles, à savoir la prévention et les investigations des faits et actes de corruption. Au titre de la prévention, le président de la HALCIA a dit que la stratégie a consisté à instaurer un dialogue entre les structures engagées dans la lutte contre la corruption. « Le dialogue sur la lutte contre la corruption est un élément indispensable pour offrir une possibilité aux structures de lutter contre la corruption, d’interagir, partager et apprendre sur les défis et solutions pour prévenir la corruption », a-t-il ajouté.
A cet égard, a-t-il déclaré, « lutter contre la corruption doit être l’affaire de tous, au regard des effets dévastateurs de ce fléaux. Les pouvoirs publics, le secteur privé, les organisations non gouvernementales, les médias et les citoyens en général doivent conjuguer leurs efforts pour davantage lutter contre cette forme de criminalité ». Aussi, il a indiqué qu’ils ont privilégié la mise en place des coalitions en vue de mutualiser leurs énergies pour une lutte efficace contre la corruption. Un site web sera officiellement installé la semaine prochaine pour permettre à toute personne ou structure d’interagir avec la HALCIA dans le cadre de la lutte contre la corruption, a-t-il annoncé.
Au titre de la répression, le président de la HALCIA a indiqué qu’au cours de cette année 2019, la HALCIA a enregistré plus de 180 plaintes et dénonciations portant sur des infractions diverses dont les plus récurrentes sont les fraudes fiscales, les fraudes douanières, les fraudes aux concours de recrutement, la corruption ou complicité de corruption, l’abus de fonction, les infractions au code des marchés publics et les détournements des derniers publics. Dans plusieurs de ces dossiers, « la HALCIA a travaillé en synergie avec les autres organes de contrôle de l’Etat, notamment l’Inspection Générale d’Etat et l’Inspection Générale des Finances, a-t-il révélé. Le président de la HALCIA a noté que des résultats appréciables ont été obtenus même si beaucoup reste encore à faire.
Volonté de combattre les fraudes
A titre d’exemple, la HALCIA est actuellement sur une vaste opération de contrôle portant sur la régularité fiscale des entreprises. « Sur un total de 18 sociétés ou entreprises ayant fait l’objet de ce contrôle, il a été découvert que plusieurs opérateurs restent redevables de sommes importantes au titre notamment de la taxe professionnelle, de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), de l’Impôt sur le Bénéfice (ISB) ou de l’Impôt sur les Traitements et Salaires (ITS) », a relevé le président de la HALCIA. Sur ce point, a-t-il poursuivi, « il a été mis en évidence près de 3 milliards de FCFA de droits non versés à l’administration des Impôts. Pour l’instant, près de 500 millions FCFA ont pu être recouvrés et le processus suit son cours ».
Le président de la HALCIA a assuré que « des enquêtes similaires sont en cours dans d’autres sociétés avec toujours le même objectif de faire rentrer l’Etat dans ses droits ».
En ce qui concerne les fraudes douanières, « elles concernent principalement les constatations effectuées sur la commercialisation et le transit des hydrocarbures et sur les dédouanements des véhicules », a-t-il précisé.
Le président de la HALCIA, a dit que cette institution s’est intéressée à l’exportation et au transit des hydrocarbures produits par la SORAZ en 2017 et en 2018. Il a indiqué que « les investigations ont concerné les axes Torodi-Kantchiari (Burkina-Faso) et Matameye-Nigeria ». Pour ce qui concerne l’axe Torodi-Kantchiari, « 11082 camions citernes sont déclarés à l’exportation du carburant vers le Burkina-Faso et le Mali », a-t-il fait remarquer. Sur ce nombre, « 904 citernes sont concernées par le reversement frauduleux du carburant sur le territoire national, avec un préjudice causé à l’Etat de l’ordre de 5 milliards de FCFA », a-t-il fait constater.
S’agissant de l’axe Matameye-Nigeria, « 5883 citernes sont déclarées à l’exportation vers le Nigeria et 633 d’entre elles n’ont pas été prises en charge par le bureau de douanes de Matameye et le poste de contrôle de la SONIDEP de Dan Barto, soit environ 3,5 milliards de droits compromis au détriment de l’Etat », a-t-il dit. Toujours, « sur l’axe Matamèye-Dan Barto et sur la foi des registres de Matameye et Dan Barto, l’enquête a constaté la réutilisation des numéros de déclarations ayant déjà servi à exporter des hydrocarbures sur l’axe Torodi-Kantchiari » a-t-il relevé.
Les investigations se poursuivent pour déterminer le mode opératoire utilisé. Ainsi, « 952 numéros de fausses déclarations ont été relevés, soit un manque à gagner pour l’Etat de l’ordre de 2,5 milliards de FCFA. Au total sur cette rubrique, c’est près de 11 milliards de FCFA de perte que l’Etat a subie », a-t-dit. Sur le transit des hydrocarbures, il a souligné qu’à la suite des travaux de la SORAZ intervenus en mars et avril 2018, le Ministère du Commerce a délivré 30 licences de transit à certains opérateurs économiques en vue d’approvisionner leurs clients habituels du Burkina et du Mali.
« Nos investigations sur ce point révèlent que 78 camions ne seraient pas parvenus à Kantchiari, 20 citernes ont déclaré des quantités inférieures à celles déclarées au bureau des douanes de Konni, et 12 camions ont déclaré du gasoil en lieu et place de l’essence. Le total des droits éludés s’élèvent à près de 350 millions de FCFA », a-t-il précisé.
Sur l’ensemble de ces dossiers Hydrocarbures, « la HALCIA travaille conjointement avec les structures sœurs du Burkina Faso à savoir l’Autorité Supérieure du Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption et l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite du Mali », a-t-il dit. « En effet, ces structures ont manifesté leur désir de travailler avec la HALCIA sur ce dossier afin d’éradiquer la fraude sur ces corridors. Pour l’heure, les vérifications au niveau du Burkina Faso en vue d’entamer la procédure de rétablissement des droits de l’Etat se poursuivent », a-t-il expliqué.
En ce qui concerne les constatations opérées au niveau des dédouanements des véhicules, « celles-ci ont débuté en fin 2018 et ont concerné 55.213 dossiers de dédouanements des véhicules », a-t-il déclaré. « Pour l’heure, nos services ont mis à jour 235 faux dédouanements, pour un manque à gagner pour l’Etat de près de 500 millions. 53 dossiers ont été régularisés et un montant de près 110 millions a été recouvré », a-t-il indiqué. Il a assuré que le processus continue pour purger l’ensemble de ces dossiers.
De la question des concours et recrutement
« Au cours de cette période, plusieurs autres dossiers ont retenu « notre attention, notamment les concours et examens qui ont fait l’objectif, soit de supervision, soit d’investigation par la HALCIA », a-t-il dit. Le président de la HALCIA a cité entre autres le concours de recrutement des greffiers par le Ministère de la Justice, le concours de recrutement des inspecteurs centraux au profit de la Direction Générale des Impôts, le recrutement des enseignants, le concours de recrutement des agents par la CENI, les concours de recrutement des agents des douanes et les examens de BEPC et du Baccalauréat 2019 au niveau de la Ville de Niamey. « Les investigations sont en cours sur le concours de recrutements des agents par la CENI et celui des agents des douanes », a-t-il aussi annoncé.
Pour ce qui est du concours des douanes, au stade actuel de l’enquête, « nous avons relevé la violation de plusieurs dispositions des textes relatifs à l’organisation des concours de recrutement au sein des différents corps des cadres de douanes », a-t-il estimé. « Ceci a conduit à plusieurs irrégularités, notamment l’acceptation de certains diplômés en lieu et place du diplôme niveau I section Douanes et régies, l’acceptation de certains dossiers de candidatures dont les diplômes ne sont pas accompagnés des équivalences et l’acceptation des dossiers de certains candidats éliminés par la limite d’âge », a-t-il relevé. Au vu de l’ensemble de ces irrégularités, « la HALCIA a demandé au Ministères des Finances de surseoir au processus d’intégration des candidats admissibles, jusqu’à l’achèvement des investigations », a-t-il déclaré.
Des investigations sur le permis biométrique et l’organisation du Hadj
Le président de la HALCIA a fait savoir également que d’autres dossiers non moins importants ont fait l’objet de saisine d’office par la HALCIA, précisément le permis biométrique et l’organisation du Hadj pour lesquels les investigations sont en cours. En ce qui concerne le permis biométrique et devant les nombreuses rumeurs relayées par les médias faisant état de corruption ayant entaché le processus de passation et d’exécution de la convention y relative, « la HALCIA s’en était autosaisie en vertu de ses prérogatives », a-t-il dit. Au stade actuel de l’enquête, « presque tous les documents relatifs à cette convention ont été mis à la disposition des enquêteurs. Une dizaine des réquisitions ont été adressées aux services concernés en vue de faire certaines vérifications. Une dizaine de responsables ont été également entendus », a-t-il affirmé.
Selon les premières constatations, « des agents de l’Etat ont été mis à la disposition de la société délégataire en violation des dispositions de l’arrêt 165 du décret portant modalités d’application de la loi sur le statut général de la Fonction Publique de l’Etat, les proches de certains hauts responsables du Ministère concernés seraient impliqués dans le processus d’exécution de cette convention, des sociétés ont été créées, apparemment pour la circonstance et la procédure de passation du marché semble elle-même entachée d’irrégularité », a-t-il relevé. « Nous sommes dans la phase du rassemblement des preuves et d’identification formelle des acteurs, co-auteurs et complices de cette entreprise », a-t-il conclu.
Mamane Abdoulaye (onep)