
Au cours des funérailles ...
En Islam et dans le christianisme, la mort représente un changement majeur dans la dimension spirituelle, symbolisant la transition de notre vie terrestre vers l’au-delà. Ce n’est pas une fin, mais le commencement d’une nouvelle forme d’existence. Ainsi, les croyants se préparent avec soin à ce passage en respectant les préceptes de leurs différentes religions tout au long de leur vie. Ces religions soulignent l’importance de la pureté des intentions pour que nos bonnes actions soient acceptées, et elles promettent une existence fondée sur des œuvres bienveillantes.
Les rassemblements funéraires, témoins des différentes époques et cultures, continuent de se transformer en fonction des mentalités et des progrès technologiques. Aujourd’hui, de nouvelles pratiques émergent, en intégrant une dimension moderne à la manière de dire adieu. Dans les pays musulmans, ces rites se réalisent dans les 24 heures suivant le décès, permettant aux proches de se rassembler pour partager leur douleur et accompagner le défunt dans sa dernière étape de la vie terrestre avant de passer à l’au-delà. Les rites varient considérablement d’une culture à l’autre, allant des obsèques musulmanes et chrétiennes aux traditions africaines.
Délai d’inhumation et toilette mortuaire en islam
Dans les pays musulmans, l’inhumation doit avoir lieu dans les 24 heures suivant le décès avant le coucher du soleil, si le décès a eu lieu le matin, et le lendemain matin, s’il est survenu le soir. Le jour de l’enterrement, tous les hommes doivent se joindre au cortège, les musulmans n’organisent pas de veillée funèbre et l’enterrement musulman reste très sobre. Peu après le décès, les personnes présentes devraient fermer doucement les paupières du mort et prononcer l’invocation habituelle en cas de calamité : « C’est à Dieu que nous appartenons et c’est vers lui que nous retournerons ».

D’après les explications du prédicateur Oustaz Moustapha Ahoumadou, une fois décédé, le corps doit être préparé pour sa vie future à travers un lavage mortuaire. Dans la religion musulmane, le corps est considéré comme impur, d’où l’importance de procéder à des soins de purification. Les yeux du défunt sont fermés et sa mâchoire maintenue, puis le corps est placé en direction de la « qibla ». Il est ensuite lavé trois fois, essuyé et enveloppé dans un nombre impair de tissus blancs, généralement trois pièces non cousues. Les bras peuvent être alignés le long du corps, paumes vers le ciel, ou croisés sur la poitrine. Le prédicateur a rappelé que le Prophète choisissait des personnes compétentes pour cette tâche délicate, car il était important d’éviter toute erreur lors de la préparation des défunts. « Il faut quelqu’un qui connaît comment ça se fait et qui connaît ce qu’on prononce. Quelqu’un qui s’y connaît vraiment et qui ne peut pas s’effrayer facilement parce que c’est ça qu’on craint. C’est pourquoi, il faut des gens âgés et doués qui ont l’habitude de faire ce genre de choses », a-t-il dit.

Suite au lavage mortuaire, une prière particulière est requise pour tout musulman décédé, qu’il soit enfant ou adulte, ainsi que pour les bébés mort-nés. Cette prière doit être réalisée collectivement. Ensuite, le défunt est amené au cimetière musulman, entouré par ses proches, amis et connaissances jusqu’à son dernier repos. « Les droits d’un musulman sur son frère musulman sont au nombre de six (6), il y a, entre autres, la salutation et la réponse à la salutation, la visite au malade, le partage. Il partage sa joie et sa peine, suit le cortège funéraire d’un parent, ami ou connaissance jusqu’à sa dernière demeure et prie pour lui », a déclaré le prédicateur Oustaz Moustapha Ahoumadou.
Transformation des recueillements funéraires en fêtes
Après les obsèques, amis et proches se rendent au domicile du défunt pour présenter leurs condoléances à la famille en partageant leur peine. Autrefois, les voisins apportaient des plats préparés pour soutenir ceux qui sont en deuil, car ils ne pouvaient se soucier de la nourriture dans ces moments de tristesse. De nos jours, c’est la famille du défunt qui cuisine pour les personnes présentes, préparant ainsi divers mets jusqu’à la lecture de la Fatiha du troisième ou septième jour, une pratique considérée comme une forme d’aumône, bien que souvent critiquée par certains religieux. À Niamey, comme dans bien d’autres centres urbains, les obsèques dans la plupart des cas sont similaires à des célébrations de réjouissance, où l’on voit des visages rayonnants et des plats riches préparés pour la circonstance. Famille, amis et connaissances se réunissent en ce jour triste pour rendre un dernier hommage au défunt qui s’apprête à franchir une autre étape de sa vie. De l’eau fraîche, du lait (Solani), des chaises et bâches, des brochettes, des poulets rôtis, des méchouis et autres sont servis aux invités qui se réunissent pour soutenir la famille endeuillée. Ce geste amène certaines personnes à oublier qu’ils participent à des funérailles et non à un événement de réjouissance effaçant temporairement la douleur et les larmes, comme s’il n’y avait pas de raison de s’affliger. « A la mort de mon grand-père, lorsque le plat a été servi aux invités venus présenter leurs condoléances, une dame me disait pourquoi sur notre plat il n’y a pas de piment. Je ne peux pas manger la nourriture sans piment, il faut regarder dans la sauce si tu peux en trouver », se remémore Mlle Rachida pour qui ce commentaire de sa tante n’avait pas lieu d’être, car, dit-elle, « nous n’étions pas à un moment de réjouissance, mais plus tôt de tristesse. Nous avons perdu un des nôtres qui nous était cher ».

À certains endroits, lorsque les gens (particulièrement les femmes) se rassemblent, avant même l’enterrement, elles commencent les commérages du moment et les potins du voisinage, se penchant sur l’habillement de telle ou telle personne. « Les gens n’ont plus de la compassion pour une personne décédée encore moins pour sa famille. Nous étions partis présenter nos condoléances avec nos collègues et nous avons été surpris de voir le spectacle qui s’offrait à nous. Les gens mangeaient, riaient à gorge déployée, se taquinaient comme si de rien n’était », a souligné Mme Omar.
Selon Oustaz Moustapha Ahoumadou, il est important de soutenir la famille endeuillée par des prières et des paroles réconfortantes tout en évitant des dépenses excessives pour accueillir les condoléances. Lorsque le Messager d’Allah (s.a.w.) reçut la nouvelle que le fils de son oncle Jafar était tombé en martyr dans la bataille de Muta, il ordonna : “Préparez de la nourriture pour la famille de Jafar’’. « La cérémonie que les gens qui ont perdu un de leurs font de manière ostentatoire est haram, c’est illicite et Allah va leur demander des comptes par rapport à cela. C’est haram pour plusieurs raisons parce que ça devient une fête à la place de la tristesse, du deuil. Ensuite les biens qu’on va utiliser sont ceux des orphelins que le défunt a laissés. Il est dit même dans certains écrits religieux que plus on manifeste ce genre de choses, plus on lui alourdit la peine dans sa tombe au lieu de lui en alléger. Toutes ces pratiques viennent de la tradition et non de la religion », a-t-il ajouté.
Il est recommandé de recevoir les personnes ayant accompagné les défunts à leur dernière demeure avec de ‘’labdourou ‘’ afin qu’elles puissent étancher leur soif, car d’autres ont déjà pleuré, crié et prié. « Il n’est pas établi qu’il existe une prière spécifique à faire lors de la distribution de ces offrandes. L’aumône mentionnée pour le défunt est la dou’a, et le Prophète Mohamed a dit dans un hadith : ‘‘lisez la sourate Yasin pour vos morts’’, ce qui peut être fait autant de fois que nécessaire. C’est ce que le prophète Mohamed (Paix et Salut sur Lui) a recommandé », a expliqué le prédicateur.
Les obsèques dans la croyance chrétienne
Dans la croyance chrétienne catholique, la célébration des funérailles est un droit que l’église réglemente. Cette célébration va du décès de la personne à l’enterrement jusqu’à l’accompagnement après les funérailles. En effet, les funérailles chrétiennes sont d’abord un secours spirituel que l’église procure au défunt et aussi en même temps un soutien vis à vis de ceux qui viennent de perdre un être cher. C’est une célébration qui commence au seuil même de la mort.
« Quand quelqu’un meurt, l’église est attentive à soutenir les personnes qui vivent le deuil. On se rend au domicile du défunt pour prier pour ce dernier et aussi pour la foi de tous ceux qui viennent de perdre cet être cher. Après cela, on organise des séances de prières avant l’enterrement parce que ces prières permettront d’accompagner le défunt dans sa dernière demeure », a notifié Père Wilfried.

La cérémonie, dit-il, commence par la levée du corps à la morgue, où celui-ci est préparé avec soin. Une étape essentielle effectuée par des chrétiens qui prient tout au long du processus. Après avoir placé le défunt dans le cercueil, une dernière prière est récitée avant que celui-ci ne soit fermé. L’église organise ensuite une messe, considérée comme l’ultime prière et l’acte de respect, avant que les participants ne se dirigent vers le cimetière pour l’enterrement et les adieux.
« Après l’enterrement, les gens vont dans la maison du défunt pour partager des collations. Notre religion n’interdit pas ça, parce que c’est parfois une tradition coutumière. Il y’en a qui le font le jour même. Donc, la religion ne l’interdit pas, elle conseille même de rendre hommage au défunt en faisant des actes de charité. D’abord, on connait la tradition du 40e jour où on fait effectivement une prière particulière, mais la levée du deuil se fait une année après le décès, c’est ce qu’on appelle le premier anniversaire du décès », a-t-il dit.
Interprétation de la transformation des recueillements de deuil en cérémonies festives du point de vue sociologique
D’un point de vue sociologique, pour mieux appréhender les évolutions des rites de deuil et des funérailles vers des célébrations festives accompagnées de gaspillage, il est essentiel de rappeler la signification initiale de ces cérémonies. Selon le sociologue Alou Ayé, ces rites ont émergé dans le cadre d’une dynamique sociale visant à soutenir les individus confrontés à des épreuves de la vie, comme le décès d’un proche. Ce processus est crucial pour éviter que ceux qui sont en deuil ne plongent dans la dépression, leur permettant de mieux gérer le vide laissé par la perte. Il a également souligné que la société a institué un système de soutien moral, qui empêche les individus de se sentir obligés d’organiser eux-mêmes ces cérémonies, car cela pourrait être trop lourd à porter.

« Chez nous, au fur et à mesure de l’évolution, on a fini malheureusement par constater l’affluence des parents et des amis pour assister celui qui a perdu un proche ; mais un des éléments qui a commencé à disparaître c’est le fait d’apporter la subsistance. Ils n’apportent rien et s’attendent en plus à manger ne serait-ce que les 3 plats de la journée. Du coup, celui qui a connu l’épreuve se retrouve dans l’obligation non seulement de préparer mais aussi de se démerder pour trouver la subsistance nécessaire à la prise en charge des invités ou des personnes qui sont venues l’assister », a-t-il dit.
Selon le sociologue, le constat aujourd’hui est que la dimension sacrée de recueillement et de compassion, qu’un événement de deuil évoque, s’effrite malheureusement peu à peu, cédant ainsi la place à la joie et aux célébrations. Pour éradiquer ce fléau qui ronge progressivement la société, le sociologue recommande de sensibiliser les gens et d’affirmer que le deuil ne doit pas être un temps de festivités et de célébration. « Il faut que nous gardions notre ligne, que nous gardions nos valeurs pour ne pas tomber dans le mimétisme et le copiage de ce que font les autres qui ne sont pas des musulmans et n’ont pas les mêmes valeurs que nous », a conclu le sociologue.
Fatiyatou Inoussa (ONEP)