Dans la capitale Niamey, en cette veille de la fête de l’Aïd El-Adha communément appelée fête de tabaski, les quartiers, les ruelles, les devantures des maisons, ou sous les hangars qui servent de « Fada » aux jeunes, sont tous transformés en des marchés de bétail improvisés pour la circonstance. En effet, pour certains, c’est l’occasion de tirer leur épingle du jeu et pour d’autres une astuce pour ne pas s’acquitter de la taxe verser aux municipalités dans les marchés de bétail aménagés pour cette activité.
Au niveau des grands marchés de bétail de la ville de Niamey, notamment à Tourakou ferraille’, l’ambiance est nonchalante. La clientèle se fait de plus en plus rare comme l’explique Abdoul Razak, un revendeur de mouton. « Les clients ne viennent qu’à compte-goutte au marché à cause des revendeurs ambulants. Je suis obligé de m’adapter à cette pratique. On arrive à faire quelques ventes. Actuellement, chacun peut s’offrir un animal en fonction de sa bourse. Je vous rassure que même avec 40 000 F, vous pouvez avoir un animal, à la hauteur de votre argent. ».
« Cette année, le marché, est moins animé. Sincèrement, les gens n’ont pas d’argent. Les animaux ne font qu’à arriver, mais hélas ! La clientèle n’est pas au rendez-vous et les moutons coûtent chers aussi. Jusque-là, les prix n’ont pas baissé. Si vous voulez avoir un bon mouton, il faut au minimum débourser 80. 000 francs CFA », déclare Abdou Assoumane, un autre revendeur de mouton.
Pour ce dernier, la situation des revendeurs ambulants ne piétine en rien leur commerce, car dit-il, des fois, ce sont les vendeurs du marché qui donnent les animaux aux jeunes pour circuler dans la ville. « Les véritables propriétaires sont ici dans le marché », a-t-il révélé.
Les démarcheurs, ces spécialistes de la négociation et des faux tours sont eux dans tout leur état, car sans clientèle, pas de revenu pour eux. Pour ces derniers, l’heure est grave et inquiétante, a expliqué l’un d’entre eux. La fête de Tabaski, c’est aussi la création d’activité temporaire pour les jeunes dynamiques qui, du déchargement du bétail, au transport de la marchandise par les motos tricycles et les véhicules communément appelés ‘Dogon Baro’, l’occasion est vraiment belle.
Malgré l’absence des acheteurs de mouton. Le marché, loin d’être silencieux, chante une mélodie assez particulière, un mélange de cri d’animaux et des engins roulants. A tout cela vient s’ajouter l’atmosphère lourde liée à la concentration des animaux et des humains.
Au niveau des revendeurs, les avis divergent sur les raisons du manque de la clientèle. Ainsi, selon, M. Yahaya Alio, revendeur de mouton au marché « Tourakou », le phénomène de vol en cette période pousse les gens à acheter leur animal au dernier moment. « Tu te décarcasses pour te procurer un mouton à 200. 000 francs CFA, le lendemain, tu te réveilles, l’animal a disparu. C’est pour cela que la plupart des gens attendent d’abord la veille de la fête. Vraiment, le bétail est disponible et à un très bon prix pour l’instant. D’ici à deux jours, il se pourrait que ça devienne plus cher », indique-t-il.
Les animaux, a ajouté, M. Yahaya Alio nous proviennent de trois principales zones. Il y a la région de Zinder et de Maradi qui nous fournissent énormément, car sans cela, je peux vous dire que les moutons allaient être inabordables, parce que la zone de Téra, Torodi ne dispose plus d’animaux à exporter. Si ce n’est Abala, le reste de la région de Tillabéri ne ravitaille plus nos marchés.
Face à la désertion des marchés par les clients, le président du syndicat dénonce, l’existence des petits marchés de bétails qui se sont créés, devant les portes des maisons, dans presque tous les quartiers de la ville de Niamey. « Ce n’est pas normal, car c’est nous qui payons la taxe de marché que la mairie prélève chaque jour. C’est aussi nous qui souffrons pendant 11 mois dans ce travail. Et, voilà qu’au douzième mois, tous les gens de la ville, qu’ils soient commerçants ou hauts fonctionnaires, tous se jettent dans notre travail. Cela détruit trop la commercialisation du bétail et augmente ses prix. Cela parce qu’ils ne connaissent pas le prix des animaux. Deuxièmement, ils donnent des moutons à crédits. Et, dès qu’on parle de crédit, les gens sont prêts à prendre un mouton qui est à 100 000 mille francs dans le marché, au prix de 150 000 mille francs CFA à crédit », dénonce-t-il.
Le président du syndicat des vendeurs et exportateurs de bétails de Niamey, interpelle le président du conseil municipal de la ville, à une prise en main de ce problème pour l’année prochaine, car dit-il, il y va de la survie de leur activité. « Ce travail doit être organisé et structuré, à la devanture de chaque maison, tu vois 20 à 40 moutons, si ça continue, les revendeurs de bétail, que vont-ils gagner ? Il faut vraiment qu’on nous respecte, qu’on respecte l’État et qu’on respecte notre travail. Nous ne pouvons pas empêcher aux gens de faire ce travail, mais trop c’est trop. Nous payons la taxe chaque année à hauteur de quatorze millions quatre cent mille francs CFA (14 400 000 CFA) à la communauté urbaine », déclare-t-il.
Le président du Syndicat a proposé que, si la mairie ne peut pas interdire cette pratique déloyale, au moins qu’elle impose le payement de la taxe qui revient de droit à l’État. « Nous n’avons pas fait cas directement de la situation aux autorités communales, mais après la fête, nous allons les rencontrer », ajoute-t-il.
Enfin, dit-il, en ce qui concerne la cherté des animaux, décriée sur tous les toits, nous ne sommes pas responsables. « Il parvient à chacun de nous de chercher un animal en fonction de ses moyens. Aujourd’hui, il y a des animaux de 30 000 à 1 000 000 de francs CFA. On ne peut pas vouloir un mouton de 100 000 milles francs avec une somme de 50 000 milles francs. Déjà que l’éleveur nigérien est toujours en perte. « Supposons que l’animal consomme 500 francs au quotidien, par an, ça coûtera 165 000 francs et on lui demande de le vendre à 100 000 francs CFA ou à 90.0000 francs,», a-t-il expliqué.
Hamissou Yahaya (ONEP)