À la veille de la fête de Tabaski ou Aïd al-Adha que célèbre la oumma islamique le dimanche 16 juin 2024, les marchés de bétail de Niamey sont inondés d’animaux en provenance de presque toutes les régions du pays. Mais cette année l’engouement se fait encore attendre. Les clients ne se bousculent pas encore au niveau de ces marchés. Les commerçants et les revendeurs ambulants se plaignent de cette rareté inouïe d’acheteurs.
Il est 11h du matin au marché principal de bétail de Niamey, communément appelé «Tourakou ferraille’’. C’est un week-end et à moins d’une semaine de la fête de Tabaski. Le marché est bondé de petits et de gros ruminants. Les véhicules viennent des villages environnants pour décharger les animaux. Les motos tricycles sont aux aguets, des vieilles dames assises sous des arbres et des hangars ont étalé sur le sol des aliments bétail, notamment le son du maïs et du mil qu’elles vendent aux commerçants. Une aubaine pour ces braves femmes qui revendent la tasse à 1500 F CFA. Dans le marché, les moutons sont là à perte de vue, les uns plus gros que les autres. Dans un coin, des gens sont rassemblés autour d’un animal, la plupart par curiosité, ou pour avoir une idée des propositions de prix. Au centre de la scène se trouve un gros, grand et gras bélier estimé à un million de francs CFA. Un spectacle qui donne du frisson aux acheteurs qui viennent chercher leurs béliers avec une cagnotte de moins de soixante-dix mille francs CFA.
Une ambiance plutôt morose dans les marchés de bétail
Ainsi, malgré la disponibilité plus qu’évidente des animaux, le marché semble désert et l’ambiance morose faute de clientèle. Les revendeurs sont livrés à eux-mêmes et n’ont d’autre choix que de se retrouver autour d’un thé sous un hangar pour parler de tout et de n’importe quoi, en espérant que la situation s’améliore au cours de la journée ou dans les jours à venir. Quoiqu’il en soit, pour ces commerçants, deux situations expliquent ce climat sec. D’abord le manque d’argent dont la plupart de la population se plait à tort ou à raison et l’habitude des Niameyens qui consiste à attendre toujours le dernier moment pour se ruer sur les marchés, et cela, dans l’optique de dénicher le jackpot à un prix très bas. Car les clients estiment que plus la fête approche, plus les vendeurs sont préoccupés de vendre les animaux qui sont d’ailleurs disponibles en grande quantité. « Les gens de Niamey ont une curieuse habitude. Je dis ça parce que chaque année, ils restent à la maison pour prier qu’il y ait la mévente afin de venir acheter au dernier moment à bas prix. Même s’ils ont l’argent, certains préfèrent venir le jour de la fête. Tout celui qui a un peu d’argent doit venir se procurer son animal avant qu’il ne soit trop tard. Parce que cette année, la manière dont les animaux sont vendus à vil prix, c’est du jamais vu », a affirmé M. Zakari Yaou revendeur de mouton.
D’après ce jeune revendeur, les animaux proviennent principalement cette année de Boureimi et Bagagi (Dosso), de Sanam et Abala dans la région de Tillaberi. « Les animaux sont plus abordables actuellement, mais plus la fête approche, plus ils deviennent chers », souligne-t-il.
À quelques kilomètres de là, dans le marché de bétail du quartier Tallagué règne un silence de mort, aucun client en vue. Les revendeurs, groupés sous des hangars le sol humidifié, se reposent entourés des animaux. Assis sur une chaise M. Idrissa Babaro, observe les béliers qui se frottent les cornes donnant l’impression qu’ils vont s’affronter. Vétéran avec 38 ans d’expérience dans le business des moutons, M. Idrissa Babaro tient le même monologue que ces pairs du marché précédent. Pour lui, les animaux sont disponibles et chaque client peut avoir un animal en fonction de ses moyens.
Cependant, dit-il, certains préfèrent attendre deux à trois jours avant la fête dans l’espoir d’avoir plus de réduction. Mais ils risquent d’être surpris. S’agissant de la clientèle, ce dernier souligne qu’elle se fait toujours attendre. « Les animaux sont disponibles à partir de 50 000 FCFA. Pour les gens qui attendent la veille pour se procurer leur animal, la situation est incertaine, soit le revendeur gagne sur le client, soit c’est le contraire, puisque le client risque de payer un mouton de 52 000 à plus de 105 000 FCFA. Chacun joue le jeu de la dernière minute, dans l’espoir de faire une bonne affaire », avance -t-il.
Selon M. Idrissa Babaro l’insécurité a impacté les commerçants qui viennent de Gao. Ce qui fait que cette année, le marché est ravitaillé à partir des régions de Maradi, de Zinder et de Diffa. « La plupart des gens qui viennent du Mali sont victimes de l’insécurité et d’autres sont retournés du côté de l’Algérie », affirme-t-il.
Le marché de Tourakou du cinquième arrondissement est rempli aussi de bétail et de revendeurs, mais déserté par la clientèle. Les commerçants justifient cette situation par l’habitude des populations de venir au dernier moment. Mais ils prévoient que les clients risquent de payer le prix fort dans les jours à venir, parce qu’ils feront face à une situation inattendue avec des moutons beaucoup plus chers.
Hamissou Yahaya (ONEP)