Comme dans toute grande ville, le phénomène de la prostitution est une réalité dans la capitale nigérienne. Les jeunes femmes sont les plus exposées à cette pratique aussi ancienne que le monde, appelée d’ailleurs « le plus vieux métier du monde ». La nuit est le moment privilégié choisi par ces professionnelles du sexe pour prendre d’assaut les abords de certaines rues bien choisies à Niamey. Dans les coins obscurs, on aperçoit des silhouettes au corps voluptueux, aux formes généreuses, mettant en valeur leur anatomie pour attirer l’attention de potentiels clients. Prostituées, professionnelles de sexe, filles de joie, les qualificatifs ne manquent pas pour nommer ces jeunes femmes qui prennent d’assaut, tous les soirs, les rues et autres couloirs de la capitale pour ‘’vendre leurs corps’’.
Parmi elles, on trouve des adolescentes, des femmes âgées et même des mineures. Chaque soir, dans les différents quartiers, aux abords de certaines ruelles bien connues des Niaméens, on trouve de nombreuses filles alignées qui attendent d’être abordées par de potentiels clients. Ces praticiennes sont visibles autour de certains coins chauds de la capitale. Coiffées de longues mèches, de perruques, d’autres portant des hauts talons, presque nues ou vêtues de mini- jupes, de mini- robes, elles attendent impatiemment et sans complexe les clients. Dès qu’elles voient une voiture ou une moto s’arrêter, elles se bousculent en courant pour aborder le monsieur. « Bébé on dit quoi ? Veux-tu faire un tour avec moi ? », Lance une fille de joie en tenu sexy, s’exhibant devant son potentiel client.
Hommes d’affaires, jeunes ou vieux, chacun trouve pour sa bourse. Certaines routes se transforment en un grand bazar du sexe avec ses « night clubs » et ses coins de danse où l’on expose la nudité de la femme.
Dans l’un des « night-clubs », plusieurs dizaines de filles se déhanchent ou prennent la pause en attendant un partenaire. L’entrée est payante pour les hommes mais gratuite pour les filles. « C’est une sorte de mot de passe pour les garçons afin de trouver une proie », souligne une jeune fille qui fréquente régulièrement un night-club de Niamey. De nombreuses jeunes filles vendent malheureusement leur corps pour subvenir à leurs besoins. « Je pratique cette activité parce que mes parents sont pauvres ; ils ne peuvent pas prendre soin de moi », confirme une prostituée rencontrée dans le quartier Lacouroussou, à Niamey.
Les raisons évoquées sont diverses. Certaines parlent de manque de moyens financiers tandis que d’autres évoquent des raisons assez floues. « Moi je rêvais d’être un Médecin. Après la mort de mon père, notre mère ne pouvait plus toute seule faire face aux besoins de la famille. En plus, notre frère est malade. J’ai décidé d’arrêter les études parce que cela coûtait extrêmement cher. La famille n’est pas au courant de ce que je fais et je ne peux pas lui dire cela », confie, sous anonymat, une travailleuse de sexe. Elle fait croire à sa famille qu’elle travaille la nuit comme restauratrice dans un hôtel de la place. « J’ai un taxi qui me prend de jour comme de nuit. Même à des heures impossibles, il vient me chercher là où je suis. Si la nuit est bonne, je lui fais une enveloppe. Par mois je peux gagner 60.000F ou plus. Je vais abandonner cette vie bientôt parce qu’il y a beaucoup de risques. Des voleurs, des voyous nous dérangent toujours et nous menacent », dit-t- elle.
Les vêtements, la coiffure, les chaussures de classe, les sacs de bonne marque, le maquillage et les produits de beauté font partie de ce qui pousse certaines filles à se prostituer. « J’ai besoin d’argent pour payer le loyer, le lait corporel, la nourriture. Je dois me rendre plus belle afin d’attirer plus de clients et cela nécessite des moyens. J’ai plein de charges, donc si je ne fais pas cela, je n’ai rien dans la vie », confie une jeune fille originaire du Ghana.
Certaines filles choisissent de se mettre sous la coupe d’une dame communément appelée « Magajiya en haoussa », qui a plus d’expérience dans le domaine, (une sorte de proxénète), et qui se charge de leur trouver des hommes. Une « Magajiya » qui a de nombreuses années dans la « profession » raconte comment elle pratique ces activités pour ‘’brancher’’ des filles avec des clients qui viennent chez elle à la recherche d’une partenaire pour passer des heures, des jours, et même des semaines. « Je fais cette activité depuis plus de 20 ans. J’ai commencé après avoir divorcé de mon premier mari. Maintenant, je propose des filles ‘‘fraiches’’, de 10.000FCFA à plus puisque les filles n’ont pas le même prix », a- telle dit.
La Magajiya précise, cependant, que si le client veut sortir de chez elle avec une de ces filles pour l’amener par exemple à l’hôtel ou ailleurs, il doit obligatoirement déposer une pièce d’identité. « C’est pour la sécurité de ‘’mes enfants’’ », dit-elle, avant de préciser que les prix varient de 50.000FCFA à 100.000 FCFA pour les 24h pour les locaux, mais pour les hommes qui viennent des pays étrangers, c’est à 150.000 F. « J’ai des filles qui vivent chez moi définitivement, et des filles qui viennent quand je les appelle, c’est comme une association », déclare cette dame qui a souhaité garder l’anonymat. Elle ajoute que c’est une filière commerciale ou les femmes et les jeunes filles se vendent pour gagner leur vie.
« C’est moi même qui ai voulu venir vers la Magajiya puisqu’une amie m’a parlé d’elle. Si elle me trouve un homme, il peut me donner 10.000 FCFA ou plus. Par semaine elle peut me trouver 3 à 5 clients, ça dépend puisque je ne suis pas la seule fille et ce sont les clients qui choisissent le genre de fille qu’ils veulent. Je peux gagner 50.000 FCFA ou 70.000 FCFA la semaine, comme je peux avoir moins que ça. Cette activité me permet de subvenir à mes besoins. Mais, je ne souhaite pas continuer dans ce sens puisque ma mère refuse de prendre mon argent même si je le lui donne », explique une jeune fille de 20 ans qui est dans le groupe depuis plus de 2 ans maintenant. Une autre qui dit vivre chez sa marâtre depuis la mort de sa maman, confie que la « tante », sous-entendu la Magajiya, est comme une mère pour elle. « Ma marâtre me maltraite, me frappe sans raison et ne me donne rien comme argent de recréation ; même si mon père me donne, elle le garde pour elle-même. C’est dans cette situation qu’en classe de 3ème, j’ai entendu parler de la dame là, et je suis venue lui expliquer ma situation. Elle m’a fait rencontrer un homme, qui, dès le premier contact, m’a donné 10.000 FCFA. J’étais très contente, et depuis lors, je continue de venir chez elle. Maintenant, par semaine, je peux gagner jusqu’à 100.000FCFA ou 150.000FCFA », explique-t-elle.
Tout n’est pas rose pour ces filles qui suivent les hommes, en pleine nuit, chez eux ou à l’hôtel. En effet, il arrive que ces filles tombent sur des mauvaises personnes. « A chaque fois, j’ai peur d’être frappée ou maltraitée, comme cela m’est arrivé une fois où un client m’a tabassée et à la fin, il ne m’a rien donné. C’est le risque du métier. Il y a plein d’étrangers avec lesquels je traite : des togolais, des libanais, des ivoiriens et même des européens. Par mois, je peux gagner jusqu’à 400.000 FCFA », confie une professionnelle du quartier Lacouroussou.
Iro. A. Hadiza (stagiaire)