Le sevrage est le processus qui conduit à l’arrêt de l’allaitement maternel. Tandis que l’ablactation est l’arrêt de l’allaitement maternel. Petit à petit, l’enfant se détache du sein de sa maman. C’est également une étape naturelle du développement du bébé. Ainsi, force est de constater que ces procédures ne sont pas généralement appliquées par les mamans afin que le bébé soit sevré sans heurt, ni pression.
Plus connue sous le nom de Tinni Bio Gna, Mme Moumay Harouna, une octogénaire témoigne sur l’importance du processus de sevrage des enfants dans les temps passés. Elle affirme qu’auparavant, les parents accordaient beaucoup plus d’importance dans le processus du sevrage de leurs enfants. Ce n’est pas une chose qui se fait à n’importe quel moment, ajoute-t-elle.
Elle précise qu’il y a une différence entre le sevrage d’avant et celui d’aujourd’hui. « Avant, le sevrage ne se fait pas de manière brusque, tout se planifie. A notre époque, une maman avait même honte qu’on la voie en train de sevrer son enfant. Une maman n’ose sevrer son enfant que le samedi. Parce que c’est un jour où dès qu’une personne délaisse quelque chose, elle ne revient plus à ça », a-t-elle fait savoir, avant d’ajouter que « le samedi, jour du sevrage, très tôt le matin, la maman passe de l’argile rouge autour de ses seins. Ce qui fait que dès que l’enfant voit ça, il va avoir peur, preuve qu’il ne va plus se rapprocher de sa maman. Et c’est parti, l’enfant ne va jamais s’intéresser aux seins de sa mère. C’est de la tradition », nous confie la femme octogénaire.
Pour elle, allaiter son enfant le plus longtemps possible est ce qui est même souhaitable et bénéfique pour l’enfant. « Avant, chez nous, on ne sèvre pas l’enfant s’il n’a pas au minimum trois ans, ou des fois plus. Aussi, nous ne connaissons pas le fait d’aller dans les centres de santé pour prendre des comprimés à avaler chaque jour. A notre époque, quand une femme accouche, l’heure qui suit l’accouchement, c’est le cordon ombilical qu’on attache deux, trois, quatre fois ou plus, c’est ce qui conditionne le nombre d’années qu’elle va faire en train d’allaiter son enfant. Ce qui veut dire que pendant la période d’allaitement, la femme ne peut pas tomber enceinte. C’est cela qui fait l’espacement de naissance naturel de la femme, car nous ne connaissions pas les produits que les gens d’aujourd’hui prennent, en l’occurrence les contraceptifs. Donc, une maman ne peut pas sevrer sans pour autant respecter le délai choisi. C’est impossible », a expliqué Tinni Bio Gna.
Une maman qui ne met pas son enfant au sein comme il faut, perd l’estime et la pitié de son enfant. Il ne peut pas y avoir de l’affection entre eux soutient la tradition. « Si l’enfant n’a pas commencé à parler ou à marcher, on ne le prive pas du lait maternel. Parce que, le lait maternel est sacré, béni, bon, il est doux, on ne peut pas le comparer à n’importe quel lait. C’est le lait maternel qui met l’enfant en forme. Les enfants d’antan, c’est dès le bas âge qu’ils prennent forme car, ils profitent bien du lait maternel. Ce qui fait que même les décès des personnes sont rares. Mais maintenant, c’est devenu monnaie courante. Tout a changé, tout n’est plus comme avant », se désole-t-elle.
Avec le modernisme, déplore-t-elle, les mamans d’aujourd’hui ne peuvent pas consacrer leur temps à suivre le processus de l’arrêt de l’allaitement maternel. Elles n’aiment pas allaiter leurs enfants le plus longtemps possible. Elles n’ont pas la tête à ça. « Tu vas même entendre certaines mamans dire que si l’enfant tète le plus longtemps possible, il ne suce que le sang, pas de lait. Alors que ce n’est pas vrai. Moi, ma fille cadette a fait sept (7) ans en train de téter », dit-elle, avant d’ajouter que « les enfants de maintenant naissent avec leurs biberons. L’enfant vient au monde aujourd’hui, demain il va consommer le lait artificiel. Ils sont tellement bourrés par le lait des blancs qu’ils n’arrivent pas à résister à la moindre maladie. Ils sont trop fragiles. Ils ne contractent que des maladies à tort et à travers. Parce qu’ils n’ont pas été bien entretenus dès le bas âge », a expliqué l’octogénaire.
De la naissance jusqu’à l’arrêt de l’allaitement maternel
L’allaitement maternel, explique, Dr Amadou Laminou Aicha, pédiatre néonatologiste, c’est le fait de mettre le bébé au sein de sa maman dès la naissance. C’est une pratique humaine et systématique. Dès que la mère accouche, on met l’enfant au sein. Il y a des dispositions qui doivent être prises chez toute femme qui vient d’accoucher. « Nous préconisons de mettre l’enfant au sein immédiatement après la naissance, dans l’heure qui suit l’accouchement, pour vraiment favoriser la réussite de cet allaitement maternel. Nous préconisons également de faire l’allaitement exclusif, c’est-à-dire que l’enfant est mis exclusivement au sein de la naissance jusqu’à six (6) mois. Rien que le sein maternel, pas d’eau, ni de tisane. Sauf si l’enfant est malade et que la maman consulte un médecin qui le met sous traitement. Et ce traitement ne fausse pas l’allaitement maternel », a-t-elle fait savoir.
Selon la pédiatre néonatologiste, le lait maternel suffit pour couvrir les besoins nutritionnels énergétiques et hydriques de l’enfant à cent pour cent (100%) de zéro à six (6) mois. Quel qu’en soit les conditions de chaleur, le bébé peut survivre parce que dans 100 ml de lait maternel, les 95 ml représentent de l’eau. Ce taux peut suffire pour couvrir les besoins hydriques de l’enfant. Mais, à partir de six (6) mois, ajoute-telle, le lait maternel ne peut pas couvrir les besoins de l’enfant. Il faut nécessairement apporter d’autres aliments qu’on appelle ‘’alimentation de complément’’. Entre six (6) et neuf (9) mois, le lait maternel apporte encore 2/3 du besoin de l’enfant, donc le tiers qui reste sera complété par les alimentations de complément. A partir de six (6) mois, tout enfant doit être, en plus du lait maternel, accompagné d’aliments de bases. « Nous avons plusieurs groupes d’aliments. Il s’agit des aliments du premier groupe, qui constitue la base de l’alimentation de l’enfant. Ce sont les céréales qui sont localement disponibles. Le deuxième groupe constitue les légumineuses (haricot, soja, arachide), les légumes (les courges, les pommes de terre, les carottes). Il y a le groupe des fruits et celui des protéines », a précisé la pédiatre.
De façon progressive, insiste Dr Aicha, c’est de commencer à donner de la bouillie enrichie, épaisse. La bouillie doit être épaisse, pas liquide. Au fur et à mesure, on augmente toujours tout en sachant que l’enfant continue de téter. Puisque le lait lui apporte encore 2/3 de son alimentation. A partir de neuf (9) mois jusqu’à deux (2) ans, l’intérêt du lait maternel est toujours là. Continuer à allaiter l’enfant au sein, car le lait va lui apporter le tiers de son besoin nutritionnel. Dans ce cas, on doit renforcer son alimentation de compléments, pour que l’enfant puisse manger régulièrement dans la journée, et conditionner ses aliments pour qu’il puisse avaler (en purée ou bouillie). La continuation de l’allaitement maternelle jusqu’au moins deux (2) ans, est bénéfique autant pour l’enfant que la mère. Parce que ça va permettre à la mère de se reposer avant de penser à contracter une autre grossesse. L’enfant aussi va être plus épanoui, son cerveau va se développer normalement.
Le sevrage obéit à un processus progressif
Arrêter le lait maternel, note-t-elle, ne se fait pas brusquement. Le sevrage obéit à un processus progressif. Il faut augmenter les alimentations de compléments avant d’arrêter le lait. « Dès qu’on commence l’alimentation de complément, il faut quantifier ce que l’enfant mange. C’est-à-dire connaitre sa ration. Même en cas de nouvelle grossesse, on peut continuer à allaiter son enfant. Cela n’aura aucun effet sur l’enfant. Peut-être quand il va commencer à prendre un peu le premier lait, l’enfant va faire un peu de diarrhée, mais après ça va s’arrêter. Une mère peut allaiter son enfant jusqu’à la veille de son accouchement », dit-t-elle.
Pour la pédiatre néonatologiste, l’enfant doit manger au minimum cinq (5) fois par jour. Les trois (3) principaux repas, c’est-à-dire le petit déjeuner, le déjeuner et le diner. Et deux petites collations entre le petit déjeuner et le déjeuner, et aussi une petite collation vers seize (16) heures. Et cela, tout en sachant que l’enfant continue à téter.
S’agissant du processus de sevrage « ablactation », dit-elle, c’est de continuer l’allaitement jusqu’à l’âge de deux (2) ans. Aux alentours de 22 mois, l’enfant devrait être à l’aise, il doit manger correctement les cinq repas. Le processus, c’est le fait de diminuer les fréquences de téter chez l’enfant, tout en augmentant sa ration alimentaire avant de l’arrêter. Mais, il faut que la mère soit sûre que son enfant est à l’aise. Qu’il peut même s’en passer d’elle quand elle n’est pas là. C’est le fait d’aller brusquement qui blesse les enfants, et c’est ça qu’il faut éviter, ajoute-t-elle.
En ce qui concerne les conseils, rassure-t-elle, c’est d’abord l’allaitement exclusif. Une mère qui met son enfant exclusivement au sein de la naissance jusqu’à six (6) mois, son enfant présente une chance de plus de 95% de ne pas développer une dénutrition. Quand un enfant est allaité exclusivement au sein, la chance qu’il développe une malnutrition est infime, c’est-à-dire à un taux de 5%. Et, si l’alimentation de complément a été introduite à partir de six (6) mois, et qu’elle a été correctement menée, le risque de développer la malnutrition est moindre.
Pour réussir un bon allaitement, conseille la pédiatre, c’est surtout la fréquence de téter. « Le sein, c’est comme une usine, autant l’enfant tète, le sein va produire. Si, l’enfant ne tète pas assez, il n’y a pas une bonne production du lait. Pire, quand la mère introduit un autre aliment avant six (6) mois, le risque de développer une malnutrition est encore plus grand. Il s’agit par exemple des décoctions, des tisanes qu’on donne aux enfants avant les six mois, c’est fortement déconseiller », a laissé entendre Dr Aicha.
Pour ce qui est de l’alimentation mixte, souligne-t-elle, c’est-à-dire le fait de donner le lait maternel et le lait artificiel, c’est le plus dangereux des cas. Parce que quand une mère accouche, et qu’elle met exclusivement son enfant au sein, l’enfant qui vient de naitre a une flore bactérienne naturelle dans son tube digestif. « Donc, l’allaitement maternel, ça garde ses bactéries positives pour l’enfant. C’est des bactéries qui protègent l’immunité de l’enfant, et mieux, dans le lait, il y a ce qu’on appelle des anticorps que la maman va produire. Ces anticorps vont protéger le bébé contre toute sorte de maladies. L’introduction du lait artificiel et surtout de la manière dont il est donné, même si les conditions d’hygiènes sont requises, des fois on ne peut pas y échapper. Le lait artificiel va venir détériorer cette flore bactérienne qui est naturelle chez l’enfant et créer des circonstances. Il y a des cas où tout se passe bien. Mais, généralement, surtout chez les mamans qui n’ont pas les moyens où les conditions d’hygiènes ne sont pas réunies, là c’est les dégâts. C’est les diarrhées à répétition. C’est ça qui va causer la dénutrition chez les enfants», indique la praticienne.
La pédiatre néonatologiste demande de sensibiliser les mères sur l’intérêt de donner le sein. « C’est un intérêt très important, parce que le lait maternel c’est le meilleur qu’il y a pour les enfants. Et l’intérêt aussi, ce n’est pas de donner seulement et arrêter, c’est de poursuivre l’allaitement maternel jusqu’au deux (2) ans requis avant d’arrêter. Ça va permettre à l’enfant de profiter au maximum des avantages liés à l’allaitement maternel », affirme Dr Aicha.
Farida Ibrahim Assoumane (ONEP)