À l’occasion du premier forum des jeunes et de la réunion préparatoire du forum des gouverneurs du Liptako-Gourma tenu à Ouagadougou du 17 au 21 juillet 2023, notre reporter a eu un entretien avec la Secrétaire exécutive par intérim de l’Autorité de Développement Intégré des États du Liptako-Gourma (ALG). Dans cet entretien à bâton rompu, Mme Hawa Aw parle de la vie de l’institution quinquagénaire, l’une des plus anciennes Organisations Inter Gouvernementales de l’Afrique de l’Ouest, mais hélas pas assez connues des populations des trois États membres et qui présente des perspectives malgré les péripéties de parcours et les contingences sous régionales.
Madame la Secrétaire exécutive p.i, voudriez-vous bien nous présenter succinctement l’Autorité de Développement Intégré des États du Liptako-Gourma (ALG) ?
Merci de me donner l’occasion de parler de notre organisation commune dans les colonnes de l’hebdomadaire nigérien Sahel Dimanche. L’Autorité de développement intégré de la région du Liptako Gourma (ALG) a été créée il y a environ 53 ans, plus précisément le 3 décembre 1970 par un protocole d’accord conjointement signé par les Chefs d’État du Burkina Faso (Haute-Volta d’alors NDLR), du Mali et du Niger. Cette création a fait suite aux recommandations d’une mission multidisciplinaire conduite entre 1969 et 1970 par la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Comme on peut bien le constater, l’ALG est ainsi l’une des plus anciennes organisations intergouvernementales (OIG) de l’Afrique de l’Ouest.
Quelles sont les missions qui sont assignées à votre institution par les plus hautes autorités de ces trois États et quels sont les moyens mis à votre disposition ?
L’Autorité de Développement Intégré des États du Liptako-Gourma a pour mission, entre autres, de contribuer au développement des économies des États membres par la mise en valeur concertée de leurs ressources minières, énergétiques, agricoles, hydrauliques, pastorales et piscicoles et la construction, en commun, d’infrastructures de développement, d’améliorer la gouvernance, la paix et la sécurité en mettant en œuvre une stratégie appropriée qui réponde aux défis sécuritaires dans les États membres et une stratégie de stabilisation de la région de l’ALG.
En outre, le Traité révisé inscrit l’action de l’ALG dans le cadre de la réduction de la pauvreté, du développement durable et du renforcement de la sécurité. À cet effet, elle poursuit notamment les objectifs suivants : créer les conditions pour le développement et la valorisation concertée des productions agro-sylvo-pastorales et halieutiques et des ressources minières, tout en préservant les ressources naturelles de base, aider les États à valoriser de manière intégrée leurs ressources par la mise en place d’infrastructures et d’équipements conséquents, promouvoir la mise en œuvre concertée des politiques et stratégies de développement et développer une stratégie commune pour faire face à tous les défis sécuritaires dans l’espace commun.
La stratégie de développement révisée en 1999, sans s’éloigner des grandes orientations tracées depuis la création de l’ALG, place la lutte contre la pauvreté au centre de ses préoccupations et en fait même l’objectif global à atteindre. Cet objectif a été décliné en quatre (4) objectifs spécifiques à savoir la sécurité alimentaire, le désenclavement, la protection de l’environnement et le développement social.
Quant aux moyens mis à disposition, ce sont les contributions des États membres de l’ALG qui sont les seuls contributeurs de l’institution, la disponibilité des autorités étatiques, tous les départements sectoriels et à tous les niveaux (national, régional, local) pour soutenir les efforts entrepris par l’ALG).
Quel est l’apport de l’Autorité de Développement Intégré des États du Liptako-Gourma dans la stabilisation et la résilience des populations vivant dans ces régions et qui sont aujourd’hui affectées par l’insécurité ?
L’ALG, avec l’aide de ses partenaires, est en train d’élaborer une stratégie de stabilisation de la région du Liptako-Gourma. Cette stratégie se veut inclusive, participative car, toutes les couches de la société, toutes les autorités nationales, régionales et locales, ainsi que les acteurs de développement et les organismes et organisations humanitaires ont été consultés afin de s’assurer qu’ils expriment leurs besoins et/ou apport pour le retour de la paix, la stabilité et la cohésion sociale dans la région du Liptako-Gourma.
L’ALG travaille également avec les Groupements Locaux de Coopération Transfrontalières (GLCT) établis par les communautés elles-mêmes avec l’appui des États à travers les directions nationales/secrétariats permanents des frontières des trois États. Dans ce cadre, l’ALG recherche des financements avec ses partenaires pour la mise en œuvre des Plans Locaux de Développement de ces GLCT.
Un Comité des Points Focaux de Défense et de Sécurité a été mis en place par décision du Conseil des Ministres de l’ALG pour guider certaines prises de décision dans la mise en œuvre des activités de l’ALG. L’Autorité de Développement Intégré des États du Liptako-Gourma collabore et accompagne un bon nombre d’agences du Système des Nations Unies et autres partenaires bilatéraux qui interviennent dans la région du Liptako-Gourma.
Malgré plus de 50 années d’existence, l’ALG reste méconnue de la majorité des populations qu’elle est censée servir. Qu’est-ce qui explique cet état de fait Mme la Secrétaire Exécutive?
Effectivement, étant une des plus anciennes Institution Intergouvernementale de la sous-région, l’ALG a considérablement manqué de stratégie de communication. Elle n’a pas su démontrer les réalisations accomplies. L’ALG a établi le rapprochement avec les communautés locales de façon progressive. Aussi, à un moment, l’ALG a traversé une période de réforme institutionnelle à la suite de laquelle la Direction Générale, a été commuée en Secrétariat Exécutif suite à la décision de la Conférence des Chefs d’États tenue en janvier 2017 à travers le Traité révisé. Cette période de réorganisation a pris un temps considérable qui n’a pas permis à l’Institution de fonctionner normalement.
Durant ces cinquante années, quelles sont concrètement les réalisations et actions à mettre à l’actif de l’ALG ?
L’ALG a réalisé de nombreuses études générales et/ou prospectives dans sa zone d’intervention, en collaboration avec ses États membres. Ceci a permis d’identifier et de mettre en œuvre de nombreux projets et programmes au profit des économies de la région du Liptako-Gourma. Les principaux secteurs concernés sont ceux de l’agriculture et de élevage, de l’hydraulique, de l’énergie, de l’environnement et la pêche, des infrastructures et des communications, de l’industrie et des mines, du développement social.
Quels sont les partenaires techniques et financiers qui accompagnent vos actions et est-ce que le contexte sécuritaire n’affecte-t-il pas ce partenariat ?
Le Système des Nations Unies, la BADEA, la BAD, la BID, la Banque Mondiale, les partenaires bilatéraux (Allemagne, Japon, Union Européenne, la Suède, le Royaume-Uni, le Danemark) sont les partenaires qui financent actuellement les initiatives de stabilisation de la région du Liptako-Gourma.
Quelle perspective pour l’ALG dans une zone faisant face à un phénomène d’insécurité qui affecte durement les populations ?
Face aux enjeux et aux multiples défis à relever, l’ALG se dote d’une vision qui ambitionne d’apporter des améliorations structurelles à la hauteur des attentes et aspirations des populations de l’Espace. La proposition de vision de l’ALG formulée est de faire des territoires des États membres, un espace économiquement intégré et prospère à travers l’exploitation concertée, inclusive et durable de leurs ressources naturelles dans un environnement apaisé et sécurisé, soutenu par la stabilité, la bonne gouvernance et le respect des droits humains. Cette vision tient compte des engagements pris par les États membres aux plans international et régional et des orientations issues des documents de politiques et stratégies nationales de sécurité et de développement en vigueur dans nos trois (3) États membres.
Réalisé par Hamissou Yahaya (ONEP)