![IMG_6326](https://www.lesahel.org/wp-content/uploads/2025/02/IMG_6326.jpg)
M. Souleymane Ibrahim
L’Etat du Niger a créé l’Institut National des Arts et de la Culture INAC-Taya pour la prise en charge des préoccupations en lien avec la formation dans le domaine des arts et de la culture. M. le Directeur Général, qu’est ce que l’institut que vous dirigez propose aux acteurs du secteur des Arts et de la Culture dans le cadre de sa mission ?
Merci de nous avoir donné la parole pour parler de notre institution qui est un dispositif national pour l’enseignement des arts et de la culture au Niger.
Je crois que, dans cette marche de la recherche de notre souveraineté, la Culture et les Arts constituent des maillons essentiels sur lesquels nous pouvons compter pour affirmer, aux yeux du monde, notre particularité mais aussi notre pensée sur la vision du développement.
Pour parler à propos de l’INAC, l’Institut propose une panoplie de formations diplômantes et continues à tous les acteurs qui souhaitent évoluer dans les secteurs de la création, la diffusion, la promotion et la recherche dans le domaine des arts et de la culture. L’Institut offre également des espaces d’apprentissage, de formation et l’accompagnement des acteurs culturels dans le développement de leurs projets artistiques et culturels.
Le 18 septembre 2024, le ministre de la Jeunesse, de la Culture, des Arts et des Sports a présidé la cérémonie d’installation d’un comité chargé d’élaborer le curricula de votre institut. Quelle est la mission assignée à ce comité ?
Un centre de formation ne peut prospérer sans un ensemble d’outils de pilotage et d’encadrement de la fonction même de l’établissement. En dehors des textes réglementaires qui définissent les statuts, les missions, il est indispensable à l’établissement d’avoir un curriculum pour encadrer, au mieux, l’offre de formation. C’est dans ce sens que le Ministre de la Jeunesse, de la Culture, des Arts et des Sports, le colonel Major Abdourahamane Amadou, a installé un Comité chargé d’élaborer les curricula de l’Institut. Ce Comité avait pour mission la mise en place d’un ensemble d’actions planifiées pour fournir un enseignement de qualité aux apprenants de l’INAC dont, entre autres, la définition des conditions d’accès à l’Institut, les types de modules des cours en tronc commun et en spécialité pour les niveaux moyen et supérieur, les diplômes et les types d’attestation post études, les règles de recrutement des enseignants ainsi que leur qualification, etc.
Quelles sont les conclusions auxquelles les membres du comité chargé du curricula sont parvenus pour asseoir définitivement les bases d’un enseignement spécifique dans le domaine des arts et de la culture au Niger?
Après plusieurs jours de travaux menés par des experts rompus à la tâche, le Comité a proposé une série d’actions pour définir les principales orientations de l’Institut. Le Comité a défini les principales sections qui doivent composer les différents départements de l’Institut. Des moules ont été conçus et sont actuellement en train d’être implémentés au niveau moyen. Les modules pour le niveau supérieur ont également été conçus et seront mis en œuvre à partir de la prochaine année académique 2025-2026.
S’agissant de la formation continue, à ce niveau également, des modules ont été conçus dans tous les domaines artistiques (musique, danse et chorégraphie, arts plastiques, fabrication d’instruments traditionnels, etc.) et qui seront appliqués cette année. Pour les autres points inscrits dans les missions du Comité, tous ont été abordés et des propositions ont été faites. Ces propositions vont être matérialisées par des actes administratifs et réglementaires dans les prochains jours.
Monsieur le Directeur général, quelles sont les filières et les formations proposées, et ces programmes répondent-ils aux besoins des jeunes et des professionnels du secteur des arts et de la culture ?
Au niveau moyen, l’INAC a ouvert quatre (4) sections : la Section Animation Culturelle ; la Section Arts du spectacle vivant comprenant la musique, les arts dramatiques, la danse et chorégraphie, la Section arts visuels qui est composée des filières arts plastiques et audiovisuels et, enfin, la Section Mode et Design.
Les disciplines dispensées au niveau moyen se déroulent en tronc commun pour toutes les sections en première année, ensuite il y a une spécialisation sur deux (2) ans pour chacune des sections. Durant leur scolarité, les apprenants reçoivent des cours théoriques et pratiques et effectuent des stages auprès des personnes morales ou physiques agréées par l’INAC.
Pour le niveau supérieur, qui ouvrira ses portes l’année prochaine, on retrouve les sections suivantes : Gestion du patrimoine culturel, Administration, politique et coopération culturelles, Art dramatique, Musique, Danse et Chorégraphie et Mode et Design.
Pour répondre à la 2ème partie de votre question, ces programmes ne sont pas encore évalués car nous sommes dans notre première année d’expérimentation. Cependant, nous nous sommes inspirés de ce qui se passe au niveau des Instituts des Arts et de la Culture de la sous-région et qui ont fait leurs preuves dans l’adéquation entre le besoin du marché des arts et aussi celui de l’administration de la Culture. Nous avons recensé les modules les plus usuels en insérant nos particularités et nos propres attentes. Nous sommes convaincus que si tous ces enseignements sont dispensés dans d’excellentes conditions, ils peuvent, à moyen terme, nous permettre d’avoir des professionnels des arts et de la culture de très bonnes compétences.
Quels sont les critères de sélection des étudiants désirant étudier à l’INAC ?
Aux termes des conclusions des travaux d’élaboration du curriculum, les conditions d’accès à l’INAC sont le Brevet de fin d’Etudes du Premier Cycle ou tout autre diplôme admis en équivalence, le Certificat d’Aptitude Professionnelle aux Métiers des Arts et de la Culture (CAPMAC) remplissant les conditions définies par les textes en vigueur et enfin le Baccalauréat ou tout autre diplôme reconnu équivalent.
Dans le cadre de la professionnalisation et du renforcement des capacités des artistes, les opérateurs culturels non diplômés et les demandeurs de formation à la carte peuvent accéder à l’INAC selon certaines conditions.
Quels sont les principaux défis qui se dressent devant vous et comment comptez-vous les surmonter pour assurer une formation de qualité aux apprenants ?
L’un des principaux défis auxquels nous sommes confrontés est lié au niveau des élèves qui sont orientés à partir des Ecoles de Formation Artistique et Culturelle (EFAC). Pour rappel, la plus grande cohorte des apprenants de l’INAC provient de ces écoles qui sont au nombre de neuf (9) installées dans toutes les huit (8) Régions du Niger. Bien que l’INAC prenne les trois (3) meilleurs dans chaque EFAC, nous constatons que leur niveau est tellement bas qu’il est difficile pour eux de s’adapter à la partie théorique de l’enseignement. Le 2ème défi est celui en lien avec les familles d’accueil de ces élèves. L’INAC n’ayant pas opté pour l’instant sur le régime d’internat, les élèves qui proviennent de l’intérieur du pays n’arrivent pas à trouver de tuteurs à Niamey. Beaucoup d’entre eux sont contraints d’abandonner, faute de famille d’accueil. Aussi, faudrait-il noter la matière d’œuvre qui est utilisée pour les cours pratiques. Les créations artistiques nécessitent souvent des matières d’œuvre en abondance pour assurer un bon enseignement pratique.
Notez que tous ces défis ne sont pas insurmontables. Nous sommes en train de réfléchir avec notre Ministère de tutelle pour que la question de famille d’accueil soit résorbée dès la prochaine rentrée académique. Aussi, pour le niveau, des séances de mise à niveau seront organisées en identifiant, pour chaque apprenant, les besoins spécifiques en renforcement de capacités. Pour la matière d’œuvre, le Fonds Commun Sectoriel de l’Education et de la Formation (FCSE) nous accompagne pour leur acquisition. Le Ministère a également fourni un ensemble de matériels pour accompagner l’INAC à offrir des enseignements pratiques de qualité.
L’institut prévoit-il des collaborations avec des institutions culturelles ou des organismes internationaux dans le cadre de sa mission ?
Le domaine des arts est un domaine qui ne peut être entrepris qu’avec de multiples échanges tant sur le plan national qu’international. L’art se nourrit d’inspiration et des fois cette inspiration nécessite de nombreux échanges de bonnes pratiques.
L’INAC prévoit de nouer des collaborations cette année avec l’Institut National des Arts de Bamako (Institution qui a formé beaucoup de nos cadres du ministère), le Conservatoire de Dakar et bien d’autres Instituts qui sont en phase avec nos propres visions. Ces collaborations vont être axées sur les échanges d’enseignants, les voyages d’études au profit des apprenants et la création d’œuvres de haute valeur culturelle pour notre Espace.
Quelles sont vos ambitions pour le développement de cet institut et son impact sur le secteur artistique et culturel ?
L’Institut National des Arts et de la Culture (INAC-TAYA) ambitionne d’être un centre d’excellence national d’enseignement dans les domaines des arts et de la culture. Nous sommes actuellement le seul Institut National Public qui officie exclusivement dans le domaine des arts et de la culture. Cette exclusivité nous force à nous atteler à l’avènement d’un monde culturel instruit, professionnalisé et compétitif. Les premières bases sont déjà jetées, celles de créer l’environnement d’apprentissage dans le domaine des arts qui est vaste et qui suit l’évolution de la technologie surtout avec l’utilisation de l’intelligence artificielle qui a toutes ses conséquences positives et négatives dans le domaine de la création. Notre ambition forte est celle de faire de l’INAC une institution culturelle de premier ordre d’où des professionnels de renom vont sortir avec le label « INAC » qui peut être un référant pour la sous-région.
Aujourd’hui, de par le monde, les artistes s’identifient plus avec l’Institution dans laquelle ils ont fait leur 1er pas ou leur formation. Le label des ces écoles leur donne une notoriété de premier ordre, et c’est ce que je veux pour nos opérateurs culturels pour le futur de l’INAC.
Interview réalisée par Ismael Chékaré (ONEP)