Décembre 1967. Revenu de France, il constate la cupidité endémique dans son pays. Sa déception est grande. D’autant que, dans la patrie de Victor Hugo, il eut régulièrement le mal du pays. Seulement, l’amour du journalisme l’obligea à terminer son cursus, avant de revenir au bercail. A l’époque, étudier en France était synonyme de chance. Or les chances, dans la vie, il n’en y a pas beaucoup. Il faut apprendre à les honorer, lorsqu’elles se présentent. Passionné de littérature, bercé au romantisme, il chassera le cafard par la lecture. Lorsqu’il apprit sa date de retour, il exultait. Il espérait la joie de ceux qui reviennent. Il trouvera, hélas, le désenchantement. En effet, une semaine après son retour, le jeune homme eut la tristesse de constater l’ambiance des mariages forcés. Ce phénomène qui, sous prétexte de lutter contre la dépravation et perpétuer l’espèce, masque mal la vénalité de ses acteurs. Les filles sont vendues, littéralement, au plus offrant. Et ostensiblement. « L’amour ? Il viendra dans le foyer », dit-on cyniquement.
Diado Amadou – c’est de lui qu’il s’agit – est déçu. Mais, pas découragé. Il incarne la maxime : l’Homme est conçu pour ne rien lâcher. N’a-t-il pas bataillé, trimé pour mériter sa bourse ? Aux mariages forcés, il livrera une bataille. Son arme ? La littérature ! S’il aime les mots, et sait en jouer, il n’oublie pas l’essentiel. La littérature doit servir à quelque chose. Pour Diado, elle sera un moyen de combat. Il pense écrire. Fustiger le commerce honteux des jeunes filles. Mais, pour la concrétisation du projet, il y a du travail à mener. Désormais journaliste professionnel, Diado consacrera ses heures perdues à composer son texte. Il avait publié, par le passé, quelques articles de presse. A présent, il mettra les mains à la patte littéraire, la fiction.
Durant des jours, il déploiera son génie créateur. Il connaîtra le doute, les appréhensions de la critique. On ne se mêle pas de l’écrivain, sans les affronter. Si le lecteur consomme, c’est parce que l’auteur se consume. Tout comme l’accouchement, en vérité, la création littéraire se fait dans la douleur, y compris psychologique. Mais, qu’à cela ne tienne ! Notre héros donnera le meilleur de lui-même. L’homme est conçu pour ne rien lâcher. Diado achève son projet. C’est une nouvelle. Elle exprime sa prise de position, intellectuelle et morale, contre le fléau des mariages forcées. Néamoins, l’auteur a des scrupules. Il estime son texte très perfectible pour être publié. Il le met au tiroir…
Entre temps, il poursuit sa carrière professionnelle. Avec brio et fulgurance. Jusqu’à devenir, rédacteur en chef du quotidien étatique, Le Niger ! Quel parcours ! Un soir, de Mars 1972, ses collaborateurs lui firent remarquer « un trou » dans le Journal ! Dans un premier temps, Diado envisage de combler ce trou par un vieil article. Il renonce. Sans doute, par conscience professionnelle. « Le Journal, c’est l’actualité. Un vieux texte est dépassé. Et puis, il ne faut pas gruger les lecteurs », a-t-il probablement estimé. Ensuite, il pense faire une interview. Mais, il se fait tard. Et puis, qui interviewer à l’improviste ? A quel sujet ? Diado se trouve dans l’impasse. Pour combler le trou, il sort – un peu malgré lui-, son manuscrit poussiéreux. Le texte fut saisi, sans aucune relecture. Le temps n’offrait pas ce luxe. D’autant que, l’imprimeur s’impatientait.
Au matin du 27 Mars 1972, le public découvre dans les colonnes du Niger « Maïmou ou le Drame de l’amour «. Les lecteurs s’en sont délectés. Certains seront à ce point enchantés, qu’ils contacteront Diado pour le féliciter. Et lui demander de continuer.
Abdoul Malik ISSOUFA (ONEP)