L’école nigérienne ne connait pas que des problèmes structurels, pédagogiques, et didactiques. Elle connait également des problèmes de déontologie et d’éthique de la profession enseignante. En effet, depuis la tenue de la Conférence Nationale complaisamment dite Souveraine, et surtout avec l’avènement des parvenus de fraiche date au pouvoir de 2011 à 2023, les principes sacro-saints de l’orthodoxie éducative avaient été battus en brèche et fortement galvaudés. Il est nécessaire, il urge, il est absolument fondamental, en cette ère nouvelle de refondation totale du Niger glorieux et éternel, que l’orthodoxie éducative fût de retour dans le système éducatif nigérien, afin « d’asseoir » une école nigérienne originale, productive, compétitive, et même imitative.
Depuis l’institution de l’école française en Afrique en 1817 en général, et au Niger en 1898 en particulier, les rentrées scolaires avaient été préparées deux semaines à l’avance. Les Directeurs d’école et leurs adjoints se retrouvaient dans les écoles et préparaient artistement la rentrée scolaire, à telle enseigne que les cours commençaient sur des chapeaux de roue dès le 1er octobre de l’année en cours. Ainsi l’année scolaire débutait alors sans retard et se terminait dans les normes. Il faut que l’on revienne à cette noble tradition favorable à la qualité de l’enseignement.
De prime à bord, il convient de savoir qu’auparavant au niveau du Ministère de l’Education, les Inspecteurs de l’Enseignement étaient nommés selon des critères bien définis. Une chose est une vérité de la Palice, c’est-à-dire une vérité incontestable, il y avait quelques années, pour être nommé Inspecteur de l’Enseignement, il fallait absolument disposer de certaines compétences psychopédagogiques et de certaines capacités managériales. Avec l’entrée par effraction de la politique à l’école, n’importe quel carrant notoire surtout s’il dispose d’un parrain politique est nommé. Cela doit cesser pour la bonne marche de l’école nigérienne.
La nomination des Directeurs d’école n’était pas conditionnée à l’appartenance politique. Mais elle était, elle avait été toujours sujette à la compétence pédagogique avérée. En tout cas, dans les Inspections de l’Enseignement où l’on avait le souci de la performance scolaire, les Directeurs d’école étaient triés sur le volet. Ce n’était pas n’importe quel « individu » qui était nommé Directeur d’école et cela malgré les quelques appuis politiques dont il disposât. Des compétences pédagogiques pour être nommé Directeur d’école, étaient exigées. Il faille sacrifier à cette vertu professionnelle.
Les affectations du personnel enseignant de terrain étaient faites bien avant la rentrée scolaire. Ces affectations tout comme les affectations des Directeurs d’école étaient aussi sujettes à certains critères. En tout cas la valeur intrinsèque, la moralité, le sérieux, étaient entre autres comme critères valorisés. Ce qui était une certitude mathématique, on ne prenait pas de l’argent pour affecter les enseignants. Mais depuis un certain temps, des voix se sont élevées pour dénoncer des pratiques peu orthodoxes au niveau des structures communales, départementales, régionales de l’Education Nationale et même au niveau du Ministère relativement aux affectations des enseignants. A travers ce trafic commercial juteux, certains Directeurs centraux durant le temps qu’ils étaient et qu’’ils sont même au Ministère de l’Education Nationale, ont engrangé et continuent encore à engranger des fortunes. Cela doit cesser d’autant plus que cela est immoral et contraire à la déontologie et à l’éthique de la profession enseignante.
Les Comités de Gestion des Etablissements Scolaires (COGES) ; une invention purement nigérienne, laquelle avait depuis fait tache d’huile dans toute l’Afrique, parce que le COGES constitue un véritable outil judicieux, adéquat, opérationnel, profitable, pour les établissements scolaires, si les fonds « glanés » au niveau des parents d’élèves, sont utilisés rationnellement. Malheureusement au Niger-pays qui était le premier initiateur de la chose- ce n’est pas comme ça, ce n’est pas ce qui se fait. En vérité, « les gens » ne font rien que « bouffer » l’argent donné au prix de mille et un efforts par les parents d’élèves. Le Ministère de l’Education Nationale doit dorénavant être regardant par rapport à l’argent que les COGES perçoivent et qu’ils sont censés utiliser pour la bonne marche des établissements et non pour s’enrichir démesurément et crapuleusement. Des audits permanents et réguliers pourraient même être commandités pour avoir le cœur net concernant la gestion des sous « glanés » par les COGES que les parents d’élèves donnent souvent au prix de mille et un gémissements. Un contrôle des COGES est véritablement nécessaire pour savoir comment les sous donnés par les parents d’élèves sont gérés.
Chaque année l’Etat du Niger dépense des milliards pour acquérir des fournitures scolaires destinées aux enfants du peuple. Ces fournitures scolaires autour desquelles tout un véritable tapage médiatique est fait habituellement, ne parviennent pourtant pas entièrement au niveau des enfants du peuple qui sont en vérité les vrais destinataires. Des ponctions énormes y sont faites d’abord par les convoyeurs desdites fournitures scolaires, mais aussi au niveau des structures régionales, départementales, communales, scolaires, du Ministère de l’Education Nationale par des responsables indélicats. Le leitmotiv valorisé est le suivant : « La chèvre ne broute que là où elle est attachée ». Cela doit cesser ; les efforts que l’Etat faits doivent être perçus par les parents d’élèves ; malheureusement ce n’est pas le cas.
Du fait de l’impunité laquelle s’était généralisée de 2011 à 2023, avec le régime politique déchu et dit complaisamment de la Renaissance du Niger, des pratiques se sont développées et ont même proliféré comme mauvaises herbes en période d’hivernage. Ces pratiques ont pour noms la dépravation des mœurs, le recrutement parallèle d’élèves dans les Complexes d’Enseignement Scolaires publics moyennant soultes financières, l’existence d’élèves fictifs sur les listes de paiement des allocations au secondaire, la location des salles de classe pour d’autres fins, autres que scolaires.
La dépravation des mœurs, se caractérise par des relations amoureuses entre enseignants et apprenantes. Cela est contraire à la morale tout courte et ne se doit pas. Cette dépravation a atteint l’administration scolaire où certains responsables indélicats n’hésitent pas à exiger des faveurs indécentes pour des démarches administratives (affection, recrutement de contractuels).
Dans certains Complexes d’Enseignement Scolaires des recrutements parallèles d’élèves avec perception de sous avaient été faits pendant un certain temps. C’est le personnel auxiliaire de l’établissement qui joue le rôle de « rabatteur ». Et après le pactole financier glané est partagé entre les protagonistes de l’affaire. Le Ministère de l’Education, doit être regardant par rapport aux pratiques malsaines qui avaient pris racine en 2011, et lesquelles se font peut-être encore dans les établissements scolaires, afin de les conjurer.
Des élèves fictifs existeraient sur les listes de paiement des allocations des élèves du secondaire. Le principe est tout à fait simple, on reconduit pour un trimestre, les noms de certains élèves qui ont quitté l’établissement parce qu’étant en fin de cycle. Un audit des Complexes d’Enseignement Scolaire est absolument nécessaire pour pouvoir y mettre de l’ordre d’autant plus que des « commerces juteux » se fussent développés. Il semblerait que dans certains établissements publics les salles de classe de certains Complexes d’Enseignement Scolaire publics, seraient louées et pas pour des motifs scolaires. Et même si c’est pour des motifs scolaires, cela n’est pas normal. Une fois de plus, le Ministère de l’Education Nationale doit être regardant par rapport à certaines « conneries » qui se font dans les établissements scolaires.
Au Niger, depuis la date historique et mémorable du 26 juillet 2023, le peuple vaillant et valeureux dudit pays, est à l’heure du changement radical. Toutes les pratiques mafieuses qui avaient cours de 2011 à 2023, doivent être absoutes ; plus jamais ça ! Les choses doivent changer ; il faut un retour vers l’orthodoxie éducative véritable. Des pratiques malsaines lesquelles jurent d’avec la morale sociale avaient été instituées et tolérées par le régime déchu. Cela ne se doit plus. Il faut faire abstraction de toutes les « conneries » du régime déchu le 26 juillet 2023, pour s’inscrire dans la nouveauté. Il faut du changement tant du point de vue structurel, mais aussi du point de vue de la déontologie et de l’éthique de la fonction de l’enseignant. Le changement des hommes servant au niveau de toutes les structures du Ministère de l’Education Nationale est absolument nécessaire, d’autant plus que tout le monde n’est pas sincère. Tout le monde ne danse pas forcément au même rythme que le Conseil National Pour la Sauvegarde de la Patrie. Certains font semblant de danser au même rythme que lui mais en vérité le cœur n’y est pas. Et cela est d’autant plus normal, car pour beaucoup d’entre eux la poule aux œufs est en voie d’être tuée.
Enfin, pour conclure cette Tribune Libre sur la nécessité de faire un retour absolument nécessaire vers l’orthodoxie éducative, nous faisons un clin d’œil à François Mauriac qui a si bien dit et nous, nous citons si bien : « Ce qui compte en éducation, ce n’est pas ce que nous disons de temps en temps avec solennité, c’est ce que nous faisons. On éduque presque sans savoir en vivant. Les enfants sont des appareils enregistreurs qui ne laissent rien perdre. Ce qu’ils retiennent de l’ensemble de notre vie, c’est ce qui a le plus de pouvoir sur eux ». Donc aphorisme grandiose à méditer et à intérioriser par tous ceux qui ont la volonté ardente de réussir leur sacerdoce éducatif.
Par Elhadj Moumouni Mahamane Sani,
Inspecteur de l’Enseignement du Premier Degré à la retraite à Niamey
Cellulaire 96. 88. 25. 38.